2.4. La cécité, un handicap ?

La cécité consécutive soit à des atteintes de l'œil lui-même, soit de la chaine de transmission de l’information visuelle, ou encore du cerveau, est considérée, par l’OMS, comme une source de handicap. Mais quelle est la signification de ce mot dans notre société ?

Le terme handicap, hand in cap (la main dans le chapeau) est apparu en Angleterre pour désigner au 17e siècle une modalité d’échanges entre des objets de valeurs différentes, permettant à la transaction de se faire à parts égales. Le terme est ensuite intégré dans plusieurs disciplines sportives, comme le golf, ou les courses de chevaux… Dans les courses à handicap, les chevaux portent un poids attribué par le handicapeur qui tente, par ce moyen, d’égaliser les chances entre les concurrents (Dictionnaire de la Langue Française Le Littré). Ces termes, à parts égales et égaliser les chances, trouvent aujourd’hui un écho saisissant avec la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »4. Le mot handicap fut intégré officiellement dans le Dictionnaire de l’Académie Française, dès 1913. Dans les années 1950, à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, le terme handicap fut utilisé par les travailleurs sociaux et les associations s’occupant des personnes avec des infirmités ou incapacités, afin de lever le caractère stigmatisant associé à ces notions d’infirmité et d’incapacité. En France, le terme est définitivement adopté en 1975, avec la loi « en faveur des personnes handicapées ».

Aux États-Unis, il disparaît en 1980 en faveur d’un mot d’origine française (habile) jugé moins stigmatisant : disability (Perry, Macken, Scott & McKinley, 1997). Selon le Dictionnaire historique de la langue française (2006), habile représente un emprunt au latin classique habilis, « qui tient bien », ou « bien adapté », « preste », et prend en latin impérial le sens juridique de « personne légitimée à quelque chose ». « Habile » a remplacé la forme normalement issue du latin « able », « aule » (cf. anglais able).

C’est aussi en 1980 que l’OMS propose un projet expérimental de Classification Internationale des Handicaps (CIH) élaboré par un groupe de travail, initialement animé par Grossiord et Wood (1980/1996). Cette proposition peut se résumer selon les trois niveaux suivants :

Ces trois niveaux sont liés par une relation de cause à effet et placent la lésion à l’origine et au cœur du concept de handicap. Bien que très critiquée lors de sa publication, cette classification a introduit la notion de « désavantage social », devenue centrale par la suite (Chapireau & Colvez, 1998) dans la version révisée de la CIH. À la suite de la publication de cette classification, deux grands courants ont émergé (Hamonet & Magalhaes, 2003) :

  1. Un courant « médical » qui définit, conformément aux propositions de Wood, le handicap comme la conséquence d'un état pathologique (maladie ou accident). On peut le rapprocher du courant « lésionniste » qui utilise comme mesure le pourcentage des atteintes corporelles.
  2. Un courant « social » qui considère que le handicap est la résultante de la confrontation d'un être humain et de ses capacités (potentialités), avec son environnement et ses exigences. Chaque personne se développe ainsi dans un contexte culturel et écologique particulier. Ce courant a permis l’émergence du concept de « handicap de situation », que nous retrouvons dans les travaux de Minaire (1992).

Nous sommes particulièrement sensible à cette idée de handicap de situation dans le cadre de notre recherche, puisque le handicap lié à la cécité prend toute son importance lorsqu’il s’agit de se mouvoir, comme nous allons le voir à présent.

Notes
4.

Source : http ://www.legifrance.gouv.fr/