3. Perception de l’espace et cécité

‘« Je marche à grands pas dans ma ville, ma canne se balance devant moi, elle effleure à peine le sol, agitée d'une vie presque indépendante, pourtant fidèle. J'aime cette heure matinale où les rues sont encore vides de passants. Je me sens libre de leurs regards absents, de leurs mains avides de me saisir dès que je dévie un peu.
Je marche bien au milieu du trottoir, j'écoute le mur à ma droite, je l'écoute parce que j'ai le temps. D'habitude je le sens à peine, rassurant, discret. J'écoute sa sonorité claire, régulière qui s'étouffe un peu les jours de pluie. J'ai bien envie d'aller le toucher pour savoir ce que c'est. J'aurai l'air idiot si quelqu'un me voit, il va vouloir m'aider. C'est peut-être de la pierre. Une voiture passe à ma gauche, machinalement je corrige ma trajectoire, j'ai un peu dévié à droite, le mur est plus proche. La voiture ralentit au bout de la rue, je suis bien aligné. J'arrive à ce foutu renfoncement. » Hugues (1989, p. 18)