3.1. La question de Molyneux

La question des mécanismes mentaux sous-tendant l’appréhension spatiale a été posée initialement par Molyneux (1688/1978), dans sa réponse à un extrait de « l'Essai sur l'entendement humain » de son ami Locke.

‘« Supposez un homme aveugle de naissance et maintenant adulte, accoutumé à distinguer par le toucher un cube d’une sphère faits d’un même métal et à peu près de la même grosseur, au point de pouvoir dire, au contact de l’un ou de l’autre, lequel est le cube et lequel la sphère. Supposez maintenant que le cube et la sphère étant placés sur une table, la vue soit rendue à notre homme : on demande s’il pourrait par la vue seule, sans l’aide du toucher, distinguer entre les deux et dire lequel est le cube, lequel est la sphère. »’

Locke (1693/1979) répond par la négative à cette question. En tant qu’empiriste, il considérait l’esprit comme un « tableau blanc » (tabula rasa), tous les concepts que nous construisons provenant des expériences sensorielles que nous vivons. Ainsi, si un aveugle de naissance a une connaissance tactile de certains objets, il ne pourra pas, pour autant, les reconnaître visuellement. Les philosophes rationalistes considèrent, en revanche, que les concepts abstraits concernant le monde qui nous entoure sont détachés de toute expérience sensorielle : nous pouvons reconnaître un objet sphérique, quelle que soit la modalité sensorielle de départ, en le faisant correspondre au concept préexistant de sphère.

Au-delà de cette dichotomie, il est intéressant de se pencher sur le lien qui existe entre perception et connaissance. Ainsi, si une modalité perceptive est manquante (la vision par exemple), quelle en sera la conséquence sur la connaissance du monde ? Cette question permet de nous intéresser aux différents types d’informations véhiculées par nos sens et à la façon dont ces informations sont traitées pour aboutir à une représentation. Cette dernière va à son tour guider et influencer notre comportement spatial.