3.5.2. Perception auditive, motricité et action

Pour illustrer les liens entre perception et motricité, les physiologistes Szentágothai et Arbib (1975, cités par De Cheveigné, 2005) ont pris l'exemple d'un organisme hypothétique muni de deux nageoires et de deux yeux. L'œil gauche est relié à la nageoire droite par un neurone et l'œil droit à la nageoire gauche. Lorsqu'une proie apparaît dans le champ visuel à droite, l'ordre est transmis à la nageoire opposée de se mouvoir (fig. 9). L'organisme s'oriente alors vers la proie et l'atteint au terme d'une trajectoire déterminée par l'équilibre d'activation des deux nageoires. La perception chez cet organisme primitif n'est pas distincte de sa motricité et de son action dans ce cas. Les auteurs suggèrent, par ailleurs, que cela est vrai pour des organismes plus évolués, à ceci près que des niveaux multiples d'inhibition permettent chez eux un comportement et des actions plus sophistiqués.

Figure  9 : Organisme primitif chez qui la perception de la proie équivaut à un ordre donné à la nageoire controlatérale de s'activer.
Figure  9 : Organisme primitif chez qui la perception de la proie équivaut à un ordre donné à la nageoire controlatérale de s'activer.

Source : Szentágothai et Arbib (1975) cités par De Cheveigné (2005)

Un tel organisme peut localiser une source avec une précision importante et une économie de sophistication remarquable. Mais il doit pour cela se mouvoir, entrainant un déplacement coûteux en énergie et en temps. Un mécanisme qui lui éviterait ce déplacement lui donnerait un avantage, notamment sélectif (l’organisme n’est plus exposé à d’éventuels prédateurs par cette économie de déplacement). Ainsi, la capacité à mesurer les différences interaurales d’intensité et de temps d’arrivée par le tronc cérébral peut s’interpréter dans ce sens. Cela permet à un organisme de savoir où se trouve la source, sans aller jusqu’à elle... Il est alors possible de choisir d’agir ou non, de se déplacer, et le cas échéant de planifier son trajet. Un système perceptif évolué permet donc à la fois économie de mouvements, rapidité et efficacité.

‘« […] On peut interpréter l’évolution des systèmes perceptifs comme allant vers une économie d’action. Cela ne diminue pas l’importance de cette dernière pour un système perceptif. Celui-ci, aussi sophistiqué soit-il, peut toujours être amélioré par l’action. Nous tournons la tête pour lever une ambiguïté d’azimut ou d’élévation, et nous nous déplaçons pour nous rapprocher d’une source ou nous éloigner d’un bruit. » (De Cheveigné, 2005, p.86-87)’

Ce lien profond entre sensation et motricité trouve une illustration saisissante dans la capacité d’écholocalisation, particulièrement importante chez une personne privée de la vue.