4. Se déplacer dans la cité : une situation stressante pour le piéton aveugle ?

Lise, une participante à notre recherche.
« Le funiculaire arrive au terminus. Je me positionne le plus près possible de la porte pour pouvoir bondir dès son ouverture, non pas que je sois toujours plus pressée que les autres, mais c'est le plus sûr moyen de ne pas risquer d'entraver quelqu'un par derrière avec ma canne blanche. Je connais les lieux et me dépêche pour ne pas me trouver mêlée à la foule. Cependant, arrive un moment où je dois laisser passer une personne, car je suis bien incapable de trouver seule les portillons de sortie. Celui qui me double ne se doute certainement de rien, mais c'est sur le bruit de ses pas que je vais me guider pour atteindre la bonne porte. Une fois dehors, ma vigilance redouble. Il va falloir éviter les différents obstacles : poteaux, panneaux, badauds, etc. La traversée de la rue de Trion doit encore se négocier avec soin. Certes, il s'agit d'un endroit où le piéton est prioritaire. Du moins, c'est ce qu'on m'a dit, ce n'est certainement pas le comportement des automobilistes à cet endroit qui aurait pu me le laisser croire... Bref, la canne bien visible en avant, j'écoute la circulation et je m'engage, forçant parfois les voitures à ralentir. De l'autre côté, je trouve encore d'autres obstacles : l'étal du fleuriste, les tables du bistrot... Les habitués qui me saluent à mon passage me font oublier un instant l'hostilité du monde qui m'entoure. Heureusement, car ce n'est pas terminé ! Je dois encore m'imposer pour traverser la rue Saint-Alexandre. Deux options s'offrent alors à moi. Soit je suis d'humeur sage et j'emprunte docilement le trottoir, qui porte bien mal son nom, car je mets quiconque au défi de trotter dessus tant il est étroit et semé d'embuches. Soit je suis d'humeur plus rebelle et j'occupe le seul espace réellement praticable de la rue, à savoir la chaussée. Là, je suis sûre de ne rencontrer aucun obstacle et, malgré la pression des automobilistes, je peux me détendre un peu. Je rejoins le trottoir pour rentrer chez moi. Des marches en débord me permettent facilement de trouver la porte de mon immeuble. Parfois pourtant, je les dépasse sans m'en apercevoir. Alors, je reviens sur mes pas. Une fois passée la porte, je peux enfin me relâcher... Et boom ! Aïe ! Ah, ça, c'est la poubelle qu'on a laissée au milieu du couloir. Voilà, ça m’apprendra, je sais pourtant bien qu’il faut toujours faire attention ! »’