4.4. Comment définir le stress ?

Selye (1936/1998) a consacré le concept de stress dans la recherche moderne, dans son article A syndrome produced by diverse nocuous agents. Il l’a défini d’une manière large comme la réponse de l'organisme aux contraintes de l'environnement. Alors endocrinologiste à Montréal, il avait constaté que les rats auxquels il injectait quotidiennement des extraits chimiques développaient des ulcères et des réactions physiologiques, telles que l’atrophie des tissus du système immunitaire. Plus surprenant, les rats appartenant au groupe contrôle (injection de solution physiologique) développaient les mêmes symptômes ! Il découvrit que, plutôt que le produit actif injecté lui-même, c’était en fait l’acte d’injecter un produit quotidiennement qui était à l’origine du syndrome observé. Il désigna celui-ci sous le nom de « stress », en l’empruntant à la mécanique des matériaux. Cette découverte fortuite ouvrit un nouveau champ de recherche : la physiologie et la psychologie du stress (Selye, op. cit.).

Dans son usage actuel en France, ce mot est un emprunt (1950) à l'anglais qui a d'abord signifié « épreuve, affliction », puis couramment « pression, contrainte, surmenage » selon le dictionnaire historique de la langue française (2006). Il est issu par aphérèse de distress « affliction ». Ce dernier terme est emprunté à l'ancien français destrece « détresse », ou estrece « étroitesse, oppression ». Actuellement, il désigne comme son étymon, la réponse de l'organisme aux facteurs d'agression physiologiques et psychologiques, ainsi qu'aux émotions qui nécessitent une adaptation. Cette réponse de l’organisme s’exprime principalement par des réactions psychologiques (inquiétude, anxiété) et physiologiques (sueurs, accélération du cœur et de la respiration, etc), apparaissant lorsqu’une personne est soumise à un changement de situation.

Dans le cadre de son interaction avec l’environnement, la personne en perçoit les demandes, les traite et tente d’y réagir par le biais d’une gamme de comportements innés et acquis qui constituent son potentiel personnel de réponses. Ce potentiel individuel est un concept proche de celui que l’on retrouve chez Turvey et Shaw (1979) avec « l’effectivité ». Propriété de l’individu, elle change en fonction de son état. Elle peut être définie comme l’ensemble des moyens et contraintes pour l’action dont dispose un individu et conditionnent la perception des affordances d’un environnement. Le stress peut alors se définir comme une réaction psychique et physiologique résultant de la perception d’une attente de l’environnement, celle-ci demandant un effort d’adaptation par l’intermédiaire de notre potentiel personnel. Ainsi, le stress est une sensation que nous éprouvons lorsque nous sommes confrontés à une situation à laquelle nous pensons ne pas pouvoir faire face correctement. Il provoque un sentiment de malaise, déclenchant un ensemble de réactions nerveuses et hormonales. Cannon (1927, cité par Bracha, Ralston, Matsukawa, Williams & Bracha, 2004) a utilisé le terme « homéostasie » pour décrire la réaction du corps en réponse à un stimulus extérieur, afin de préparer les mécanismes nécessaires pour le maintien du milieu intérieur. Lors d’un stimulus, un changement se produit dans l’équilibre du milieu et l’ensemble de mécanismes nécessaires pour rétablir cet équilibre est représenté par la notion de « stress ». Par exemple, l'élévation du rythme cardiaque et respiratoire (due notamment à une décharge d'adrénaline) permet de mieux oxygéner les muscles : c'est une réaction animale, de préparation à la fuite ou au combat face à un danger, qui permet une mobilisation des forces physiques et mentales. Cannon (op. cit.) a qualifié cet état de Fight-or-Flight response 13. Plusieurs autres facteurs peuvent être pris en considération et en interaction, avec :

Notes
13.

Cette séquence Fight-or-Flight débute par ce que les éthologistes appellent freeze response ou freezing (immobilisation subite, littéralement « gel sur place ») en référence à l'hypervigilance d'un animal à l'affut, sur ses gardes. Cette immobilisation initiale qui consiste à « s'arrêter, écouter et regarder » est associée à la peur et permet la survie dans certaines situations. En effet, des recherches en éthologie ont montré que les proies qui restent « gelées » au cours d'une menace sont plus susceptibles d'éviter d'être détectée, car le cortex visuel et la rétine des mammifères carnivores permettent surtout une détection des objets en mouvement plutôt qu’en couleur. Après ce gel initial, la réponse suivante est une tentative de fuite. Si cette option est un échec, il y aura seulement alors une tentative de lutte ! C'est donc la séquence Flight-or-Fight qui correspond à l'ordre réel de ces comportements, plutôt que celle proposée par Cannon Fight-or-Flight. (Bracha & coll., op. cit.).