4.6.1. La fréquence cardiaque

Une première recherche est celle de Wycherley et Nicklin (1970). Ils ont mesuré la fréquence cardiaque de piétons aveugles et de piétons voyants, lors d’un déplacement urbain sur un trajet de 1,2 kilomètre effectué à plusieurs reprises. Ils ont mis en évidence que la fréquence cardiaque des piétons aveugles est significativement supérieure à celle des piétons voyants. Par ailleurs, leurs résultats indiquent que la fréquence cardiaque des marcheurs aveugles a diminué significativement au cours des cinq sessions successives, par apprentissage du trajet.

À la suite de cette recherche, Peake et Leonard (1971) ont mené plusieurs séries d’expériences en situation réelle de déplacements urbains sur des trajets de difficultés variables (trajet « simple », « moyen », « complexe »). Ces dernières avaient pour objectif d’identifier les facteurs à l’origine des différences de fréquence cardiaque entre les piétons voyants et aveugles. Ils n’ont pas reproduit les résultats de Wycherley et Nickin (op. cit.) et n’ont pas observé de différence entre les sujets voyants et les sujets aveugles sur l’ensemble de leurs expériences. En revanche, ils ont montré que la fréquence cardiaque des piétons aveugles est toujours significativement plus élevée lors des trajets effectués de façon autonome par rapport à ceux accompagnés, quelles que soient la difficulté et la durée du trajet. Ainsi, ce phénomène s’observe sur un trajet « simple », comportant peu de changements de direction et de traversées de chaussées, mais aussi sur un trajet « complexe ». Peake et Leonard (op. cit.) ont constaté que la fréquence cardiaque diminue au fur et à mesure des cinq sessions uniquement lors du trajet de difficulté « moyenne ». Ils ont proposé l’hypothèse qu’aucune diminution de fréquence cardiaque n’avait lieu sur le trajet simple, cette dernière étant déjà à un niveau de base. Concernant le trajet « complexe », le niveau de concentration exigé par le trajet maintiendrait la fréquence cardiaque à un niveau élevé.

Zimring (1981) n’a pas reproduit ces résultats sur le même type de comparaison. Cela s’explique probablement par la relative simplicité des trajets « complexes » dans son étude, comparée à celle de Peake et Leonard (op. cit.). Néanmoins, il est intéressant de retenir que les piétons aveugles ont exprimé une anxiété ressentie plus importante lors des trajets complexes dans ces deux recherches.

Enfin, Tanaka, Murakami et Shimuzi (1981 ; 1982) ont mené des travaux similaires, à Tokyo, auprès de dix sujets (cinq sujets aveugles, deux malvoyants et trois voyants), sur deux trajets, « simple » et « difficile », de 450 et 400 mètres respectivement. Ils ont confirmé les données de Peake et Leonard (op. cit.) concernant les différences observées entre les trajets accompagnés et les déplacements autonomes. Ils ont également mis en évidence que chaque groupe de sujets possède une vitesse préférentielle de marche (aveugles : 53 m/min, malvoyants : 68 m/min et voyants : 83 m/min), toutefois sans conséquence significative sur la fréquence cardiaque. Par conséquent, se déplacer seul sans vision est à l’origine d’un stress révélé par l’augmentation significative de la fréquence cardiaque. Sur le trajet « simple », l’apprentissage du parcours tend à diminuer la fréquence cardiaque lors du déplacement. Toutefois, le phénomène n’est pas rapporté pour le trajet « complexe », pour lequel la fréquence cardiaque reste élevée quelle que soit la connaissance du parcours. La tâche, simple ou complexe aurait ainsi une influence sur ce paramètre. Enfin, Tanaka et coll. (op. cit.) soulignent qu’une limite de la mesure du « stress psychologique » (psychological stress) grâce à la fréquence cardiaque est liée à la fluctuation de cette dernière en fonction du « stress physique » (physical stress). Il est donc important de contrôler ce stress physique, qui est en rapport avec certains paramètres comme la distance parcourue, l’inclinaison, la vitesse de déambulation, etc. D’autres mesures ont, par ailleurs, été développées afin étudier ces manifestations physiologiques du stress.