5.1. De l’espace d’action à celui de représentation

L’expérience de l’espace est fondamentalement égocentrique : un objet, une scène sont perçus par un sujet singulier qui se trouve à un certain endroit de l’environnement, regardant dans une certaine direction. Le référentiel (système d’éléments stables permettant de repérer d’autres éléments variables) est donc également égocentrique. Centrées sur le corps, les distances sont évaluées en fonction du « point de vue » du sujet (dépendant de sa position et de son orientation).

Piaget et Inhelder (1948/1981) ont introduit la distinction entre « l’espace d’action » et « l’espace de représentation ». Le premier peut se définir comme celui dans lequel le sujet situe les objets qu’il voit et dans lequel s’inscrivent ses actions et ses déplacements. « L’espace d’action » se construit au travers des expériences que le jeune enfant a avec son environnement proche et lointain. Ces expériences soutiennent le processus de décentration et lui permettent de tenir compte progressivement des relations spatiales, du déplacement des objets les uns par rapport aux autres et de son propre déplacement. Elles favorisent notamment le passage d’un référentiel strictement égocentrique (autocentré) à l’utilisation de référentiels dits allocentriques (découlant d’objets externes présents dans l’environnement).

Le passage de « l’espace d’action » à « l’espace de représentation », vers 18-24 mois, permet le dépassement de l’espace sensori-moteur. La construction de l’espace de représentation (qui s’extrait du percept) soutient, dès lors, les mécanismes d’intériorisation et de représentation : le jeune enfant peut se représenter les objets en l’absence de tout contact perceptif, mais aussi les relations spatiales entre les objets et les déplacements de son corps propre.