5.2.1. Les points de repères

Chez l’individu, les scènes sont essentiellement visuelles et correspondent au point de vue du sujet sur l’environnement à un instant donné. Cependant, dans certaines situations, comme chez la personne aveugle, elles seront essentiellement auditives, tactiles ou bien olfactives. Les scènes peuvent être catégorisées en différents types (Tversky & Hemenway, 1983) :

  • les scènes d’intérieur (hall d’aéroport, arrêt de métro, etc.),
  • les scènes d’extérieur (rue, arrêt de tramway, etc.).

L’élément le plus important d’une scène, qui fait que celle-ci est facilement mémorisée, est probablement la présence de repères pouvant être utilisés pour la localisation d’un endroit ou pour la navigation (Golledge, 1999). Au sens mathématique, un repère consiste en un système de coordonnées permettant de localiser précisément un point, ou un ensemble de points, d’orienter une droite, et d’une façon plus générale, d’organiser l’espace.Dans le cadre de la navigation, un repère peut être défini comme un objet ou une entité signifiant pour l’observateur un rapport particulier à l’environnement. Comment alors un élément accède-t-il au statut de repère ?

Tout objet fournissant des informations de direction peut devenir un point de repère important. Il est à noter que ce type de connaissance peut s’acquérir directement en observant les points importants composant un environnement, mais aussi indirectement par le biais d’une représentation symbolique comme une photographie, un plan, ou un environnement virtuel (Golledge, 1999).

La sélection d’un repère peut tout d’abord s’effectuer en fonction de l’objet. Un repère est caractérisé par sa visibilité, sa particularité de forme ou de structure (Appleyard, 1970). Selon Golledge (1999), il s’agit d’un objet de l’environnement capable d’attirer l’attention et qui est facilement reconnu par la plupart des individus. Un objet accède donc au statut de repère lorsqu’il se démarque de l’environnement dans lequel il se trouve.

La sélection d’un repère peut ensuite s’effectuer en fonction du sujet. Lynch (1960/1998) a mis en évidence la valeur socioculturelle d’un repère. Il a montré également l’association d’un repère à l’histoire individuelle du sujet, comme c’est le cas dans l’exemple suivant, issu d’un entretien avec une personne aveugle (op. cit.).

‘« Lorsque je faisais ma rééducation, à Nîmes, mon instructrice en locomotion me fixait des rendez-vous en ville. Je quittais donc régulièrement l’établissement, et je traversais toujours le même quartier résidentiel. Au moment de bifurquer à droite, j’ai remarqué à plusieurs reprises que dans l’une des villas, un chien se jetait contre la grille en aboyant à chacun de mes passages. Ce chien est devenu un point de repère dans mes déplacements, m’indiquant que c’était bien la rue où tourner à droite… jusqu’au jour où il n’a pas aboyé ! Ce jour-là, j’ai continué tout droit… et j’ai bien failli me perdre ! » (Georges, entretien personnel, 12 novembre 2009)

Enfin la sélection d’un repère peut s’effectuer en fonction de l’aide à la navigation qu’il constitue. Certains repères ont une fonction localisatrice : se situer à proximité du repère signifie alors pour la personne être à tel endroit. En navigant à plusieurs reprises dans un lieu, un individu va enrichir la connaissance des points de repère, l’aidant à se situer, à se localiser plus facilement. Le repère est ici utilisé comme une ancre, permettant à la personne de rattacher le lieu qu’elle parcourt à des points particuliers. Allen (1999) emploie justement le terme « d’ancrage » pour qualifier les points de repère, ces derniers permettant d’organiser spatialement l’environnement. Les repères favorisant la localisation sont souvent très perceptibles dans l’environnement.

Certains repères peuvent avoir une fonction directionnelle. À un repère est alors associée une direction particulière, donc une décision de mouvement. Golledge (1999) a rappelé, à ce propos, le caractère stratégique des repères comme étayant la prise de décision spatiale.