6.1.2. Les méthodes classiques d’aide aux déplacements

6.1.2.1. La canne

L’usage de canne par les aveugles est un fait ancien. Les aveugles représentés par le peintre Breughel l’Ancien, comme dans de nombreux dessins du 16e siècle, sont munis de bâtons (fig. 17).

Figure 17 : Tableau, « la parabole des aveugles », détrempe de Pieter Breughel l'Ancien (1568)
Figure 17 : Tableau, « la parabole des aveugles », détrempe de Pieter Breughel l'Ancien (1568)

Source : (cc) Wikimedia Commons

Mais la Parabole des Aveugles, comme tant d’autres œuvres de la même époque, montre des aveugles errant dans un espace vide, bras et bâtons tendus maladroitement en avant.

Levy (1872) mentionne, au contraire, dans Blindness and the blind, l’intérêt de disposer de cannes légères et rigides : les jalons sont alors posés pour une véritable intégration de la canne au déplacement. Au début des années 1940, l’ensemble des techniques de maniement de la canne est normalisé, la transformant peu à peu en une véritable aide technique : c’est la naissance de la profession « d’instructeur en mobilité et orientation » (ou « instructeur en locomotion »).

En France, la canneblanche est attribuée en deçà d’une vision centrale inférieure ou égale à 1/20 (cécité légale). L’apprentissage de cette technique permet la détection des obstacles se situant à proximité de la personne : la canne permet donc à l’aveugle de vérifier si le sol est dépourvu ou non de dangers (trous, obstacles).

C’est par la collision de la canne avec les objets au sol qu’un obstacle bas ou sur pieds (personne, poteau, chaise, etc.) est évité. L’écho du balayage de la canne de droite à gauche sur le sol permet de se représenter son environnement, tant au niveau du sol que dans ses dimensions. La trajectoire est maintenue en restreignant le déplacement dans l’espace sonore et tactile (Gaunet & Briffault, 2005). La canne permet à son utilisateur d'explorer les affordances positives (passer) et négatives (reculer, éviter) du sol. Celles-ci sont essentielles pour que la personne soit à même d’ajuster sa démarche sans être surprise. La personne aveugle parvient ainsi à détecter les obstacles éventuels ou les changements de dénivellation, à une distance considérablement plus réduite que celle que permet la vision, mais suffisante néanmoins pour les intégrer au déplacement et à la trajectoire. Ainsi, la longueur de la canne habituellement utilisée est telle que, lorsque son extrémité entre en contact avec un obstacle, la personne dispose d’assez de temps pour effectuer une action corrective. Cette canne permet aussi, par un balayage en arc auras du sol, d’avoir accès à une zone plus étendue que celle que peut atteindre la canne ordinaire, améliorant ainsi la « pré-vision »(Hatwell, 2003).

Parce qu’elle permet de remplir deux fonctions importantes pour la locomotion, à savoir la détection de la trajectoire à emprunter et l’évitement des collisions avec des obstacles au sol, la canne blanche constitue une aide perceptive considérable.Cette technique très efficace et largement utilisée ne permet cependant pas d'éviter les obstacles situés en hauteur, qui constituent pour les personnes aveugles un danger réel et important (fig. 18) !

Figure 18 : Protection offerte par l’utilisation d’une canne blanche
Figure 18 : Protection offerte par l’utilisation d’une canne blanche

Source : Hughes (1989)