6.3. Aménagements urbains et structure architecturale

Au-delà des capacités adaptatives et vicariantes de l’individu, il est possible de modeler l’environnement pour le rendre plus simple à appréhender. La loi n°2005-102 du 11 février 2005, relative à l’égalité des droits et des chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées, tend ainsi à déterminer de nouvelles règles techniques relatives à l’accessibilité de l’espace public.

L’accessibilité est le caractère de ce qui est accessible. Ce nom provient étymologiquement du verbe accéder, qui découle lui même du latin cedere : « abdiquer ; céder » (Dictionnaire de la Langue Française Le Littré). L’accessibilité peut se définir comme l’absence de cession, d’interruption dans une séquence de déplacement. Elle désigne ainsi le caractère possible de la liberté de déplacement dans l'espace et s’étend dans le langage commun à l'utilisation d'outils et à la compréhension de l’environnement. Ce concept trouve un écho dans la notion moderne de « chaine de déplacement » qui définit l’accessibilité au niveau légal. Ainsi, la chaîne de déplacement comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité. La chaine de déplacement est organisée pour permettre une accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées, ou à mobilité réduite. Par ailleurs, ajoutons que dans un délai de dix ans à compter de la date de publication de cette loi, c'est-à-dire avant le 11 février 2015, les services de transport collectif devront être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite.

L’accessibilité est donc directement liée à la locomotion et à la capacité de se mouvoir de façon autonome et sûre dans son environnement. Elle est, par conséquent, aussi liée à l’orientation et à la capacité de savoir où nous nous situons à un moment donné. Un environnement accessible doit favoriser trois choses : la « localisation », « l’orientation » et le « guidage » que nous définissons ci-dessous (Hatwell, 2003).

  1. La localisation : elle peut être définie comme la capacité à se situer mentalement dans un environnement.
  2. L’orientation : étymologiquement, c’est la capacité à se situer dans cet environnement par rapport à l’orient, c’est à dire aux points cardinaux qu’il comporte (ou points de repère). Un individu orienté peut se référer à des points de repère fixes (comme des lieux publics, des noms de rue ou des stations de métro, etc.), mais aussi mobiles comme la position par rapport au trafic automobile ou au flux piétonnier.
  3. Le guidage : il peut se définir comme une capacité à faciliter le déplacement d’un point à un autre dans un environnement.

Comme l’a souligné Hatwell (op. cit.), la construction de la représentation mentale d’un environnement repose sur ces trois pôles. Cela est particulièrement vrai chez les personnes déficientes visuelles. Nous comprenons donc l’importance de rendre l’environnement urbain accessible au piéton aveugle favorisant ainsi la représentation qu’il s’en construit. Les travaux de Levy (1994, cité par Thomas, 2004b) montrent le rôle de l'environnement dans l'orientation et la continuité du déplacement. Lévy (op. cit.) dégage ainsi trois situations types qui illustrent comment chaque équipement ou information sensible de l’espace peut constituer une aide, ou un obstacle, pour la locomotion et l’information du piéton :

Nous voyons ici que l'environnement peut être tour à tour étayant (lorsqu’il facilite l’orientation de la personne) ou bien obstruant pour son action (lorsque la personne éprouve des difficultés à mobiliser et s’approprier les aménagements du lieu). Comme le rappelle Levy (op. cit.), c’est au moment où les ressources environnementales sont mobilisées, donc contextualisées, qu’elles prennent sens. Une affordance n’existe qu’en fonction du sujet, et de sa position dans l’espace.

Depuis la loi d’orientation du 30 juin 197521 qui fait de l’intégration sociale des personnes handicapées « une obligation nationale », un important dispositif législatif et réglementaire vise l’accessibilité des personnes en situation de handicap en ville. De nombreuses lois, décrets et normes techniques existent déjà et façonnent notre cité. En l’état actuel, et en fonction des différentes évolutions techniques, force est de constater que la ville est très changeante sur ce plan : des feux sonores ou des bandes podotactiles pour prévenir des traversées sont installés, mais c’est plus rarement le cas des bandes de guidage par exemple. Par ailleurs, d’autres aménagements plus traditionnels s’avèrent parfois vulnérants pour un piéton aveugle (potelets limitant l’accès des véhicules). Enfin, la conception même de certaines zones (comme les zones dites « zones 30 », « zones de partage », les « zones de rencontre », certains lieux de plaisance, etc.) peuvent comporter des aspects problématiques concernant l’orientation, ou une possible mise en danger, comme l’a relevé le récent rapport du Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions (CERTU) intitulé : « déplacement des déficients visuels en milieu urbain » (Uzan, Seck, Sidot & Dejeammes, 2008).

Devalière (2002) dresse l’état des lieux de l’équipement existant dans plusieurs grandes métropoles en termes d’accessibilité. Elle revient notamment sur l’installation de feux parlants sur des carrefours encombrés (Strasbourg), de systèmes de balises sonores activées par télécommande à l’intérieur des réseaux de bus (Lorient), ou sur l’emplacement d’une station de tramway (Lyon). Elle évoque, par ailleurs, la création de supports touristiques sonores et en relief (Chambéry), de systèmes de lecture en braille (Chambéry) ou à synthèse vocale (Nantes) dans le cadre des médiathèques. Nous présentons ci-dessous certains de ces aménagements urbains favorisant le déplacement des personnes aveugles.

Notes
21.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005, plus récente, se substitue à cette loi n° 75-534 du 30 juin 1975.