5. Session 1. Perception de l’environnement

5.1. La technique des parcours commentés

La technique des parcours commentés est couramment utilisée en psychologie environnementale. Cependant, à notre connaissance, relativement peu d’études réalisées auprès d’aveugles font appel à cette méthode. Thomas (1999) l’a toutefois utilisée à quelques reprises dans ses travaux. Ce procédé s’est, par ailleurs, montré adapté et pertinent dans l’une de nos études (Baltenneck, 2005).

Les travaux de Moser et de Weiss (2003) ainsi que ceux de Thibaud (2001) ont mis cette technique en lumière. Selon eux, elle s’inscrit dans le cadre d’une démarche interdisciplinaire qui fait appel à la fois aux sciences de l’ingénieur (mesure des ambiances physiques par exemple), aux sciences de la conception (analyse architecturale) et aux sciences sociales (microsociologie). Elle est donc parfaitement adaptée à l’étude des comportements spatiaux, dès lors que l’on cherche à décrire et comprendre ces derniers dans leur dynamique socio-environnementale. Selon Thibaud (op. cit.) la perception ne se déploie qu’en fonction d’un milieu : elle doit donc être rapportée aux qualités propres du site étudié. Les façons de percevoir sont alors indissociables du cours d’actions dans lequel le passant est engagé.

Cette « emprise du contexte environnemental » sur la perception a conduit Thibaud (op. cit.) à développer une technique d’investigation in situ. Entendue comme des comptes-rendus de perception et d’évaluation en action, cette méthode des parcours commentés permet, entre autres, de décrire et de comprendre les stratégies de déplacement des individus dans l’espace locomoteur. Trois activités sont sollicitées simultanément : marcher, percevoir et décrire. Les commentaires sont saisis sur un enregistreur audio numérique, adapté à ce type de prise de son, permettant de conserver une qualité sonore optimale pour l’analyse ultérieure. Ce procédé repose sur trois types de consignes, qui en fixent le cadre :

  • Les consignes relatives à la description : le sujet doit faire état, aussi précisément que possible, de l’ambiance immédiate du lieu, telle qu’il la perçoit ici et maintenant. Toutes les modalités sensorielles peuvent être mobilisées : auditives, tactiles, olfactives, kinesthésiques, etc.
  • Les consignes relatives au cheminement : le terrain d’investigation est fixé à l’avance. S’il le souhaite, le sujet a le loisir de s’arrêter momentanément ou de revenir sur ses pas.
  • Les consignes relatives aux conditions de l’expérience : compte tenu de l’effort d’attention demandé, un parcours s’étend sur une vingtaine de minutes en moyenne dans notre expérimentation. Il est effectué avec le chercheur, à qui sont adressées les descriptions. Celui-ci intervient le moins possible : il se limite à un rôle d’auditeur bienveillant, et relance éventuellement la parole dans le cas d’une difficulté manifeste du participant dans l’échange.