7.3.3. D’une échelle temporelle à une échelle géographique

L'échelonnement temporel des mesures physiologiques, en particulier concernant la RED, n'est pas pertinent pour étudier l’influence d’un environnement sur un individu. En effet, chaque personne possède sa propre vitesse de déplacement, par ailleurs variable pour un même marcheur tout au long du parcours. Les escaliers sont, par exemple, à l’origine d’une baisse importante de la vitesse de déambulation. Il est impossible, dans ces conditions, de prendre en compte des données issues de plusieurs sujets puisque leurs échelles sont différentes. Par conséquent, il a été nécessaire de changer d’échelle, afin qu’elle soit commune à tous les sujets. Nous avons donc relié les RED à l’emplacement géographique où elles se produisent, plutôt qu’aux temps auxquels elles se produisent (fournis par l’enregistrement physiologique).

Nous avions initialement souhaité utiliser la technologie GPS afin d’extraire très simplement la position d’un sujet sur le parcours, à un temps déterminé. La facilité de mise en œuvre semblait être un atout intéressant et nous l’avions déjà utilisé auparavant (cf. paragraphe 5.2). Néanmoins, les essais effectués à l’aide du traceur GPS TrackStick™ précédemment utilisé ont montré les limites de cette méthode. L’environnement urbain défavorise souvent la précision de cet outil : des zones d’ombres existent ainsi en fonction de la position des satellites. Cela a souvent été le cas sur notre parcours, en particulier dans les ruelles étroites. Par ailleurs, la précision générale s’est avérée insuffisante (nous souhaitions une précision de l’ordre du mètre). Nous n’avons donc pas retenu cette option.

Nous avons, dans un second temps, pensé utiliser les vitesses de déplacement des sujets. En effet, il est possible de calculer pour chaque participant la vitesse de déplacement dans chaque portion de rue, en déterminant les dates d'entrée et de sortie dans la rue et la distance séparant ses extrémités. Il est alors possible de localiser un évènement avec une précision apparemment satisfaisante (distance = vitesse x temps). Après quelques essais, nous nous sommes aperçu que le simple découpage par rue était insuffisant, le trajet étant entrecoupé de nombreux arrêts (questions posées aux participants, attentes imposées par les feux de signalisation lors des traversées, etc.).

C’est finalement l’utilisation de l’enregistrement vidéo qui nous a paru être la meilleure solution puisqu'il comporte une datation synchrone de l'enregistrement physiologique. La date d'une RED permet de retrouver son image contemporaine sur la vidéo et l'endroit précis où elle s'est produite. Les images satellites ou aériennes en haute résolution, mises à disposition du grand public par Google depuis 2005 grâce à Google Earth©, permettent d’obtenir les coordonnées géographiques précises d’un lieu ainsi identifié. Ce sont ces coordonnées géographiques que nous avons utilisées pour localiser la RED sur notre plan à l'échelle. Grâce à cette méthode, nous avons pu procéder à un géopositionnement d’une précision très satisfaisante. Nous employons à cette fin un plan détaillé du secteur Guillotière, que nous avons construit à partir de la superposition d’informations cartographiques et satellites, provenant de Google-TeleAtlas 38, CloudMade 39 et OpenStreetMaps 40. Le document est présenté ci-dessous et a été édité en format informatique vectoriel, permettant de travailler avec précision, quelque soit le grossissement.

Figure 42 : Plan utilisé pour la projection des mesures physiologiques
Figure 42 : Plan utilisé pour la projection des mesures physiologiques (le nord se trouve à droite sur cette carte)

Source : Google-TeleAtlas, CloudMade et OpenStreetMaps (2009)

À partir de la base de données constituée des RED (tableau 5 ci-après), nous avons pu positionner sur ce plan l’ensemble des réponses physiologiques identifiées (environ 600) à l’aide du logiciel GeoStress (c.f. capture d’écran en annexes, paragraphe 4). Il s’agit d’un module MatLab© que nous avons développé spécifiquement pour cette recherche (Massot, 2010). Cet outil permet de représenter chaque RED sous la forme d’un point, dont le diamètre est proportionnel à l’amplitude de la RED. La couleur du point est définie selon un gradient allant du jaune au rouge, en fonction du niveau de base (niveau tonique) de la RED, le jaune représentant une résistance élevée (niveau d’activation « faible »), le rouge une résistance faible (niveau d’activation « élevé »). Un avantage de GeoStress est de permettre de filtrer avec souplesse l’affichage des RED sur le plan, en fonction de différents critères présents dans la base de données comme :

Ce système nous permet d’identifier les ambiances urbaines qui sont potentiellement stimulantes au niveau du SNA. Il est, en effet, possible de comparer le nombre de RED pour chaque scène et de comparer ainsi l’influence des ambiances « Ruelle », « Rue », « Place » et « Berges » sur le niveau d’activation du SNA du marcheur aveugle.

Tableau 5 : Exemple de données relevées dans notre base (chaque ligne correspond à une RED identifiée) 
Sujet Type de cécité Type d'aide Stimulus Amplitude RED (kOhm) Durée RED (sec) Latitude Longitude
S01 précoce chien-guide auditif 91 18.55 45.75459 4.84191
S01 précoce chien-guide tactile 6 2.1 45.75475 4.84145
S01 précoce chien-guide masses 38 12.8 45.75485 4.8412
S01 précoce chien-guide tactile 32 7.5 45.75505 4.84134
Notes
38.

http ://en.wikipedia.org/wiki/Google_Maps

39.

http ://cloudmade.com/terms_conditions

40.

http ://wiki.openstreetmap.org/wiki/