2.2.2. Effet de l’environnement sur le ressenti

Pour chacun des six thèmes présentés ci-dessus, nous avons mené des analyses de variance afin d’étudier l’effet des « scènes » parcourues et « du type de cécité » sur le ressenti des piétons aveugles. Le tableau 15 ci-dessous présente les résultats de ces six analyses.

Tableau 15 : Effet de l’environnement sur le ressenti
  Effet de la scène urbaine (variable intra groupe)
  DDL Erreur F Niveau p
1. Plaisir 4 92 16,36 <  0,001
2. Tranquillité 4 92 14,76 <  0,001
3. Sentiment de sécurité 4 92 21,05 <  0,001
4. Localisation 4 92 8,45 <  0,001
5. Besoin d'aide 4 92 10,21 <  0,001
6. Aisance du déplacement 4 92 15,97 <  0,001

Ces résultats indiquent que le facteur « scène » a un effet significatif sur le ressenti, pour l’ensemble des thématiques abordées.

Toutefois, nous ne rapportons pas d’effet du « type de cécité » sur les réponses au questionnaire, tous les F(1, 23) < 1,67, tous p > 0,05. L’analyse nous indique également qu’il n’y a pas d’interaction entre les facteurs « scène » et « type de cécité », tous les F(4, 92) < 2,14, tous p > 0,05. Nous avons, par conséquent, étudié l’effet du facteur « scène » sur le ressenti des personnes aveugles en regroupant les réponses des personnes atteintes de cécité précoce et tardive (= 25). Les analyses de contraste entre scènes sont présentées dans le tableau 16 ci-dessous.

Tableau 16 : Seuils de significativité pour les contrastes entre les scènes en fonction des thèmes du questionnaire « ressentis »
  Valeur de F(1, 23)
  Plaisir Tranquillité Sentiment de sécurité Localisation Besoin d'aide Aisance
Place (-4) VS autres (+1) 65,42 ** 60,84 ** 44,19 ** 15,33 ** 37,95 ** 45,18 **
Berges (-3) VS autres (+1) 3,56 NS 4,98 * 14,28 ** 0,46 NS 6,96 * 6,70 *
Rue (-2) VS autres (+1) 2,59 NS 1,13 NS 0,18 NS 0,001 NS 0,487 NS 0,520 NS
Ruelle A VS ruelle B 0,26 NS 1,59 NS 2,03 NS 0,003 NS 0,483 NS 1,272 NS

* : significatif à p < 0,05 et ** : significatif à p < 0,001. NS : non significatif.

Une scène en particulier se distingue significativement et régulièrement des autres pour les six dimensions du questionnaire. Il s’agit de la place Raspail qui est l’environnement auquel sont attribués les scores les plus faibles, concernant le plaisir (= 1,72, σ = 0,89), la tranquillité (= 1,96, σ = 0,89), la sécurité (= 2, σ = 0,82), la capacité de se localiser dans l’espace (= 2,68, σ = 1,11) et l’aisance du déplacement (= 1,84, σ = 0,90). En revanche, le besoin d’aide y est décrit comme maximal (= 2,84, σ = 1,03) et significativement supérieur aux autres scènes.

Les berges du Rhône se distinguent également des autres scènes pour les quatre dimensions suivantes : le sentiment de tranquillité (= 2,84, σ = 1,07), le sentiment de sécurité (= 2,80 σ = 1,08), le besoin d’aide (= 2,12 σ = 0,93) et le sentiment d’aisance dans le déplacement (= 2,72 σ = 1,02). Les scores attribués sont significativement plus faibles que pour les scènes « Rue » et « Ruelle A et B ».

Ces résultats sont concordants avec ceux obtenus au début du protocole expérimental, lors des parcours commentés. Nous rappelons que ce questionnaire a été proposé en fin d’expérimentation, après trois passages sur le parcours. Cela suggère qu’il y a une certaine constance et stabilité des ressentis, même après avoir pu construire une meilleure connaissance de l’environnement. La place et les berges de Rhône sont à l’origine des éprouvés les plus négatifs : le déplacement y est qualifié de (très) mal aisé. Les éléments principaux qui distinguent les berges et la place Raspail du reste du trajet sont l’ouverture de l’espace et la fluctuation du niveau sonore (entre un niveau très élevé pour la place et un niveau très faible pour les berges), ainsi que le relief urbain.