1. Introduction

‘« Tous ou presque tous les types de récepteurs sensoriels prennent part à la motricité, à l’exception du goût seul, mais à des degrés significativement différents. » (Bernstein, 1967)’

Tout déplacement de l’œil dans l’espace crée sur la rétine un glissement de l’ensemble de la scène visuelle que Gibson (1986) nomme « flux optique ». Ce flux visuel est une source d’informations sur la nature du déplacement comme le montrent les expériences de vection (Berthoz, Pavard & Young, 1975). La perception d’un mouvement large induit la sensation du déplacement de soi. Dans notre quotidien, c’est le cas lorsque nous sommes en gare et qu’un train se situant sur le quai à côté du nôtre commence à se déplacer : nous éprouvons alors une sensation étrange liée à la contradiction entre le flux visuel (je me déplace) et les informations vestibulaires (je suis immobile). Lestienne, Soechting et Berthoz (1977) désignent les comportements qui accompagnent cette sensation de « réponses optomotrices ». Elles correspondent à l’organisation réflexe qui vise à stabiliser la scène visuelle. Lishman et Lee (1973) ont montré que les propriétés de ce flux dépendent de la structure du lieu (informations extéroceptives), mais aussi des propriétés cinétiques du déplacement (informations proprioceptives).

Dans cette recherche, nous nous sommes intéressé à l’interaction qui existe entre le lieu (la structure de l’environnement) et certaines propriétés de la marche chez l’aveugle. Au-delà des caractéristiques cinétiques, nous avons voulu explorer l’action de déplacement en ayant un regard intégratif, incluant la question de l’intention dans le déplacement. Comme l’ont montré Clark-Carter et coll. (1986) ainsi que Foulke (1982), une proportion importante de personnes aveugles renonce aux déplacements urbains et préfère rester à leur domicile. Dans les entretiens préliminaires que nous avons conduits auprès d’associations de déficients visuels, nous avons effectivement pu identifier ce renoncement, souvent mis en relation avec les dangers liés à la confrontation à l’espace urbain et au stress qui en découle. Dans notre recherche, le déplacement est défini en intégrant des données cinétiques, des données issues de la représentation mentale du trajet et enfin, des données liées à la perception, au ressenti et au stress que véhicule la marche urbaine. Dans le contexte de la loi du 11 février 2005 qui demande la mise en accessibilité de l’environnement citadin, il nous a semblé pertinent d’identifier les effets de l’ambiance urbaine sur la personne aveugle lors de son déplacement.

Nous proposons dans cette partie une synthèse des résultats présentés dans le chapitre précédent, en les mettant en perspectives des données issues de la littérature. Nous discuterons, ensuite, la notion d’ambiance retenue dans cette recherche, ainsi que les perspectives que ce travail ouvre en terme d’aménagements de l’environnement urbain.