1.1.1.3.3 Interaction entre les processus d’ancrage et d’objectivation

Ces deux processus, l’objectivation et l’ancrage, opèrent en synergie. L’un décrit la constitution formelle d’une connaissance, la représentation sociale, à partir de savoirs préexistants, et l’autre permet de comprendre comment cette connaissance s’inscrira pratiquement dans les rapports sociaux entre les individus.

Séca (2002, pp. 64-65) décrit les interactions entre ces deux processus, au cours de la genèse des représentations sociales, comme une « dialectique » dynamique : « une représentation sociale se constitue en éléments, résumant l’objet qu’elle appréhende, dans une nouvelle pensée qui le double en le transformant. L’objectivation permet à un ensemble social d’édifier un savoir commun minimal sur la base duquel des échanges entre ses membres et avis peuvent être émis. Elle caractérise l’un des aspects de la construction représentative et se déroule en plusieurs phases : la sélection, la formation d’un schéma figuratif, la naturalisation. […]. L’ancrage complète le mécanisme de l’objectivation. Il le prolonge dans sa finalité d’intégration de la nouveauté, d’interprétation du réel et d’orientation des conduites et des rapports sociaux […]. Ancrer une représentation consiste dans l’activité de l’enraciner dans l’espace social afin d’en faire un usage quotidien. L’ancrage permet l’utilisation concrète et fonctionnelle de l’objet de représentation sociale, qui est parallèlement filtré, décontextualisé, schématisé et naturalisé ». Pour Séca (p. 66) « Le lien entre les deux processus est [donc] dialectique » : l’objectivation décrit comment se forme une représentation, et l’ancrage comment elle est modulée, pratiquée en fonction des groupes, des systèmes de pensée et des cadres interprétatifs préexistant […]. Objectivation et ancrage se déroulent parallèlement et en contexte ».

Dans le même esprit, Khol (2006) insiste sur les liens entre ces deux processus d’objectivation et d’ancrage, ainsi que sur leur perpétuelle interaction dynamique. Selon cet auteur, il ne peut y avoir création d’un noyau figuratif sans y avoir en même temps interprétation des éléments de la représentation à partir des systèmes de valeurs et de comportements. De même, il ne peut y avoir de sélections d’éléments d’information pertinents sans que le processus d’ancrage soit déjà en œuvre. Par conséquent, les processus d’objectivation et d’ancrage se combinent en permanence et se complètent mutuellement afin de permettre une appropriation du réel par le sujet.

De ce point de vue, la genèse des représentations sociales doit être considérée comme (Catanas, 2003) « un processus dynamique [et complexe] à travers lequel s’opère une reconstruction sociale du réel. La représentation sociale exprime un caractère relationnel [entre des croyances, des attitudes, des valeurs ou des normes] et reproduit ainsi le fonctionnement des règles et des valeurs dans une culture [ou un groupe social] donnée ».