1.1.3.5.2 La théorie du comportement planifié

Selon cette première version de la théorie d’Ajzen et Fishbein (1975), l’individu adopte un comportement sous le contrôle dominant de l’intention. Par la suite, Azjen (1987, 1991) introduira une nouvelle variable afin d’enrichir le modèle: le contrôle perçu , correspondant à une évaluation faite par l’individu de la facilité ou de la difficulté qu’il aura réalisé un comportement donné. Cette évaluation vise à rendre compte des expériences passées de l’individu (en matière d’échec ou de succès) quant à la mise en œuvre de ce comportement, ou concernant l’anticipation d’éventuels obstacles. Sous l’effet de cette nouvelle dimension introduite par la notion du contrôle perçu, la Théorie de l’Action Raisonnée est alors devenue la Théorie du Comportement Planifié (figure ci-dessous).

Figure 2 : Théorie du comportement planifié (d’après Ajzen, 1991)
Figure 2 : Théorie du comportement planifié (d’après Ajzen, 1991)

Selon la théorie du comportement planifié, l'action humaine est tout d’abord guidée par trois types de croyances: les croyances comportementales , qui constituent comme dans la version initiale de la théorie une évaluation par le sujet des conséquences probables du comportement, les croyances normatives renvoyant à la façon dont le sujet se représente les normes sociales et les attentes de ses pairs / de la société, mais intégrant aussi la motivation du sujet à se conformer à ces attentes (ou, au contraire, à ne pas s’y soumettre), et des croyances de contrôle se rapportant à la présence et à l’influence de facteurs pouvant faciliter, ou au contraire entraver l'exécution du comportement.

A un second niveau, les croyances comportementales produisent une attitude favorable ou défavorable envers un comportement, les croyances normatives produisent des normes subjectives (en intégrant, comme dans la théorie de l’action raisonnée, la pression sociale), et les croyances de contrôle donnent lieu quant à elles à un contrôle comportemental perçu . En combinaison, (1) l'attitude envers le comportement, (2) les normes subjectives, et (3) la perception du contrôle comportemental mènent à la formation d'une intention comportementale . En règle générale, si l’attitude envers un comportement et les normes subjectives concernant ce comportement sont favorables, et si le contrôle perçu para ailleurs est important (c’est-à-dire si l’individu estime qu’il ne rencontrera pas d’obstacle dans la mise en œuvre du comportement), alors l’intention que la personne a d’accomplir le comportement en question sera très forte. Enfin, étant donné un degré suffisant de contrôle effectif sur le comportement, les individus sont censés s'acquitter de leurs intentions lorsque l'occasion se présente. L'intention est donc supposée être l'antécédent immédiat du comportement. Cependant, parce que beaucoup de comportements posent des difficultés d’exécution qui peuvent en limiter le contrôle délibéré, il est nécessaire de considérer les effets directs du contrôle comportemental perçu sur le comportement, à côté des effets de l'intention (c’est ce que représente dans le modèle la flèche allant directement du contrôle perçu au comportement). Dans la mesure où le contrôle perçu est conforme à la réalité, il peut alors servir de procuration au contrôle réel, et contribuer ainsi à la prédiction du comportement en question.

D’une façon synthétique, ce qu’il ressort de ces travaux, c’est que l’attitude n’est pas à elle seule un déterminant direct des conduites humaines. Elle doit tout d’abord être traduite en intention pour exercer une possible influence sur le comportement, mais là encore, d’autres dimensions sociales (renvoyant par exemple à des normes de comportements admis, à la capacité du sujet à résister ou non à la pression sociale, à l’identité des individus et à leur motivation à respecter les règles, voire à l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes dans le contexte de la situation) ainsi qu’à la représentation que se fait le sujet de la faisabilité de l’action (le contrôle perçu) peuvent entrer en conflit avec l’attitude, et faire agir le sujet différemment.

Ce n’est qu’en cas de convergence simultanée de l’attitude, des normes subjectives et du contrôle perçu vers une même intention comportementale que l’attitude pourra constituer un bon prédicteur des comportements. Dans des travaux plus récents visant à valider la théorie du comportement planifié, Ajzen et Fishbein (2005) ont en effet démontré que les intentions de l’individu sont généralement plus fortement corrélées avec les comportements observés que ne le sont les attitudes, et quelles permettent par conséquent de meilleures prédictions comportementales.

Les attitudes n’en perdent cependant pas pour autant leur intérêt dans le cadre de notre recherche, car elles constituent, aux côtés des représentations sociales dont dispose l’individu (c’est-à-dire ici ses croyances, les normes collectives ou subjectives qu’il fait sienne, son identité sociale et l’image qu’il veut donner de lui à ses pairs) des déterminants importants de l’intention. C’est dans ce sens que nous nous y intéresserons.