1.2.2.5 Architecture simplifiée du système cognitif humain, et rôle central des représentations « occurrentes » dans le fonctionnement cognitif

Dans l’objectif, d’une part, de faire évoluer le modèle d’Atkinson et Shiffrin (1971) en l’articulant autour de la Mémoire de Travail (en lieu et place de la MCT) et, d’autre part, d’intégrer les caractéristiques de la mémoire opérationnelle de Bisseret (1970, 1995) dans le modèle de MDT de Baddeley (1990), Bellet (1998, p. 86) propose de décrire le système cognitif humain au moyen de l’architecture cognitive suivante (Figure ci-dessous). Ce modèle simplifié du système cognitif se compose de deux structures mnésiques : la Mémoire à Long Terme, en charge de contenir les connaissances permanentes du sujet, et une Mémoire De Travail, en charge du traitement et du maintien temporaire des informations nécessaires à l'activité en cours.

Figure 6 : Architecture simplifiée du système cognitif humain, selon Bellet (1998, p86)
Figure 6 : Architecture simplifiée du système cognitif humain, selon Bellet (1998, p86)

La Mémoire à Long Terme (Bellet, 1998, p. 85) «  contient l'ensemble des souvenirs, savoir et savoir-faire acquis par le sujet au cours de son existence. Bien qu'il puisse s'agir d'informations de nature très différentes (connaissances théoriques, savoirs pratiques, croyances, représentations permanentes diverses) nous utiliserons comme Richard (1990) le terme générique de Connaissances Permanentes pour qualifier ces structures de données stockées en MLT. En outre, l'organisation des connaissances en MLT n'est pas le fruit du hasard. Elle procède, d'une part, de l'expérience empirique et, d'autre part, des mécanismes impliqués dans leur acquisition comme dans leur recouvrement. Enfin, plusieurs formalismes ont été proposés pour décrire ces connaissances. Les règles propositionnelles, les réseaux sémantiques et les schémas opératoires constituent les formalismes les plus fréquemment évoqués dans la littérature ».

La Mémoire de Travail constitue le cœur de cette architecture cognitive. C’est en effet dans cette mémoire que sont élaborées dynamiquement les représentations mentales occurrentes définies ici d’après Richard (1990, p. 10) comme « des constructions circonstancielles faites dans un contexte particulier et à des fins spécifiques ». Pour Bellet (1998, p. 85), « ces représentations constituent une interprétation (modèle interne) de la situation courante. Elles sont finalisées, c'est-à-dire qu'elles s'inscrivent dans la poursuite d'un objectif particulier et prennent en compte les exigences ponctuelles ou générales de la tâche. C'est par l'entremise de ces représentations mentales fonctionnelles que l'humain interagit dynamiquement avec son environnement, et qu’il s’y adapte. Elles vont intervenir dans le traitement de l'information, comme dans la régulation des comportements du sujet ». Ces représentations cognitives occurrentes sont élaborées, d’une part, à partir des informations prélevées dans l’environnement extérieur au moyen des processus perceptifs, mais elles reposent également, pour une large part, sur des connaissances opératoires stockées en Mémoire à Long terme et activées en situation pour atteindre les objectifs de la tâche en cours.

Dans ce modèle, le processus d’élaboration des représentations mentales occurrentes est défini comme une « instanciation des connaissances au réel » : les informations prélevées dans l’environnement sont utilisées pour instancier les modèles mentaux que constituent les connaissances permanentes et les apparier à la réalité de la situation. Une fois élaborées, ces représentations mentales orientent activement l’exploration perceptive de l’environnement (pour la recherche de nouvelles informations en fonction, par exemple, de décisions à prendre, ou d’attentes perceptives résultant de l’anticipation). La prise d’information est par conséquent ici conçue comme un processus actif et anticipatif, et pas simplement comme une réaction passive d’un système cognitif soumis aux stimulations de l’environnement extérieur. Par ailleurs (Bellet, 1998, pp. 85-86), en MDT, les représentations mentales sont manipulées par un ensemble de « processus mentaux en charge de conduire des raisonnements, de procéder à des anticipations, de prendre des décisions, de planifier des actions et d'assurer le contrôle de l'activité. La nature et la complexité de ces traitements sera fonction, d'une part, de la nature de l'activité considérée et, d'autre part, des contraintes inhérentes à la tâche (par exemple, la pression temporelle ou les risques encourus). De ce fait, l'identification et la modélisation des processus cognitifs mis en œuvre ne peut se faire a priori. Cela requiert, au préalable, de se situer dans le contexte particulier de la tâche et, partant, de se fonder sur l'analyse de l'activité réelle des sujets ».

Par ailleurs, ce modèle intègre également un ensemble de processus périphériques en charge de traiter l'information perceptive avant son intégration dans la MDT. Les sorties du système cognitif correspondent, quant à elles, aux actions / comportements produits par le sujet, qu'il s'agisse d'actes sensori-moteurs ou de productions langagières.

Enfin, le système cognitif humain est limité dans ses capacités de traitement, de sorte qu'il ne peut traiter une infinité d'informations en parallèle. Cela suggère l'existence de processus de contrôle en charge de gérer et de répartir (allouer) les ressources attentionnelles du système entre les différents processus cognitifs qui sont mis en œuvre à un instant donné.