1.2.3.3.3 Le rôle des représentations mentales dans la boucle de régulation de l’activité de conduite

Comme tout environnement dynamique, l’environnement routier requiert une adaptation permanente de la part du conducteur. De ce point de vue, la conduite automobile présente plusieurs similarités avec d'autres activités humaines de contrôle de processus dynamiques. Une caractéristique majeure d'un processus dynamique est que, même si l'opérateur ne fait rien, la situation évoluera (Rasmussen, 1986). La tâche de conduite n’échappe pas à cette contrainte. Elle peut ainsi être définie comme une activité de régulation permanente et de maintien continuel de la situation de conduite dans des limites d’évolutions acceptables et sécuritaires. Selon Bellet, Bailly-Asuni, Mayenobe et Banet (2009, p. 1207) « en tant que modèles mentaux dynamiques de la situation courante, les représentations opératoires vont servir de guide à la réalisation de l’activité de conduite, en interaction directe avec l’environnement. Elles jouent donc un rôle central dans le processus de traitement de l'information, qui s’inscrit lui-même dans la boucle de contrôle de l’activité : les représentations pilotent activement les stratégies d’exploration perceptive de l’environnement (selon un Cycle Perceptif décrit par Neisser, 1967), tout autant qu’elles guident l’activité comportementale, à des fins d’adaptation contextuelle et de régulation dynamique, en continu, de la conduite automobile. Par ailleurs, compte tenu de la forte pression temporelle, le conducteur ne doit pas seulement réagir aux événements, il doit aussi les anticiper. Ainsi, une fonction essentielle des représentations mentales en conduite automobile est de servir de support à des simulations cognitives (implicites ou explicites) permettant de se projeter mentalement dans l’avenir ».

Cet aspect anticipatif est essentiel dans le cadre de la conduite automobile comme dans celui d’autres activités de contrôle de processus dynamique (Rasmussen, 1986). Plusieurs études recensées par Hoc (1996), consacrées à l’analyse des activités de gestion d'environnements évolutifs (comme la surveillance de process industriels ou le pilotage d’avion), ont en effet montré que les représentations cognitives permettaient aux opérateurs d'anticiper mentalement certains dysfonctionnements et d'y répondre avant même qu'ils ne se produisent. La conduite automobile n'échappe pas à cette caractéristique. Le conducteur se projette donc en permanence mentalement au-delà de son véhicule, un peu comme s’il occupait déjà l’espace du schéma de conduite et des zones enveloppe. Cependant, au cours de ce processus d’anticipation dynamique (Bellet et al., 2009, p. 1207), « le conducteur n’examine pas rationnellement et systématiquement toutes les alternatives comportementales qui s’offrent à lui. Il sélectionne un schéma de conduite parmi d’autres, selon un compromis cognitif (Amalberti, 1996) lui permettant d’approcher au plus près le but qu’il se fixe, puis il l’adaptera plus finement en temps réel afin d’optimiser sa performance. D'une façon laconique, conduire un véhicule, c'est bien souvent anticiper et prendre des décisions permettant d’agir dans l'incertitude, puis savoir s’adapter progressivement en fonction de la conscience (explicite et implicite) que l’on a de la situation ».