1.2.4.1 Un cadre d’analyse des accidents de la route (Malaterre, 1987)

Dans l’objectif d’expliquer les accidents routiers, Malaterre, (1987) a développé un modèle d’analyse temporel des situations d’accidents. Il s’agit d’une décomposition d’un scénario-type d’accident décrit comme une séquence d’états situationnels, allant de la situation normale à la situation de choc. Ce modèle d’analyse distingue 5 phases successives (Figure ci-dessous) :

Figure 13 : Analyse séquentielle d’accident
Figure 13 : Analyse séquentielle d’accident
  • La situation d’approche caractérise le contexte général du déplacement entrepris et les motivations qui en sont à l’origine du trajet (l’itinéraire à parcourir, l’estimation de sa durée, la destination d’arrivée, etc.).
  • La situation de conduite est la situation « normale » de conduite dans laquelle se trouve le conducteur avant l’apparition du problème ou de l’événement critique. Elle se caractérise pour le conducteur, par une tâche spécifique à accomplir qui s’établit dans un contexte environnemental particulier (par exemple : se déplacer à telle vitesse sur une route de campagne, de jour, et par temps de pluie) en rapport avec les objectifs à atteindre par le conducteur (par exemple : la durée du trajet).
  • La situation d’accident   correspond au moment, en général très court, où une rupture se produit par rapport à la séquence précédente (c’est-à-dire par rapport à la situation dite normale) et qui va faire basculer le conducteur vers la situation d’urgence. Cette rupture peut être ou non précédée par divers évènements ou indices précurseurs, et peu prendre la forme d’une dégradation lente versus brutale de la situation de conduite. Elle est cependant souvent parfaitement identifiable, grâce à la survenue d’un incident particulier (conducteur surpris en approche d’un véhicule n’ayant pas de feux arrière en conduite de nuit par exemple). La tâche du conducteur à ce niveau est de détecter cette rupture et de prendre de conscience du danger et/ou du caractère anormal ou critique de la situation.
  • La situation d’urgence : c’est la période, généralement très brève, au cours de laquelle le conducteur va tenter de gérer le risque et de revenir vers la situation normale en engageant une manœuvre de régulation ou une réaction d’urgence (tentative de récupération de la situation). Il arrive parfois que le conducteur ne tente rien, soit parce qu’il est totalement surpris et semble plus ou moins paralysé par le risque, soit parce qu’il n’a pas perçu le danger, soit parce qu’aucune manœuvre ne lui paraisse susceptible de résoudre le problème. Il n’est par ailleurs pas rare à ce stade qu’aucune manœuvre ne soit réalisable, dès lors que la précédente phase de détection du danger aura été tardive. Une spécificité de cette étape est de faire intervenir des contraintes très fortes (à la fois temporelle et dynamiques) au niveau des comportements, qui pourront être mis en œuvre.
  • La situation de choc : c’est la période délimitée par le premier choc jusqu’à dissipation totale de toutes les énergies. Elle marque l’échec des manœuvres de régulation ou d’évitement, potentiellement engagées par le ou les conducteurs en présence. Elle se caractérise par la nature du choc et par ses conséquences sur la vie des usagers en présence. 

Ce découpage temporel de la situation de conduite est très intéressant pour notre recherche. Il permet en effet de décrire les différentes étapes qui font passer le conducteur d’une situation dite « normale » à la situation « de choc ». La phase qui nous intéresse plus particulièrement ici se situe au niveau de la situation « d’accident » (qui n’est pas à entendre ici au sens courant du terme, puisqu’elle précède la situation d’urgence et éventuellement, la situation de choc). En effet, cette étape marque le passage d’une situation normale de conduite à une situation dégradée, présentant un danger pour le conducteur. C’est une rupture de la situation de conduite qui fait basculer cette situation routière d’un état stable à un état critique. Or, c’est précisément cette étape qui est au centre de notre problématique, puisque nous nous intéressons à la façon dont le conducteur « prend cognitivement conscience » d’un danger sur la route et estime la criticité d’une situation, lorsque celle-ci devient soudainement accidentogène.