1.3.2.4.2 Traits de personnalité et risque d’accidents

Au regard des différents paramètres identifiés dans la littérature scientifique visant à établir les liens entre l’implication dans les accidents de la route et le comportement au volant (en général) et la prise de risque (en particuliers), figure la personnalité du conducteur. En effet, la recherche en sécurité routière s'est très tôt intéressée aux traits de personnalité et à leur impact dans les accidents de la circulation.

En 1989, Drummond a réalisé une revue de la littérature traitant des accidents de la route chez les conducteurs novices. Une partie de cette recherche s'est focalisée sur les différences individuelles (sociologiques et psychologiques) des jeunes conducteurs et leur implication dans les accidents de la route. Drummond rapporte les travaux antérieurs établis à ce sujet notamment ceux de McFarland (1955) qui montre que les conducteurs de « faible intelligence », faisant preuve d'immaturité et dont les responsabilités sociales font défauts sont plus enclins à avoir un accident. L'auteur se réfère également aux travaux de Beamish et Malfetti (1962). Ces derniers mettent en évidence que (1) l'attitude de rébellion, (2) l'égoïsme, (3) l'hypersensibilité, (4) le manque de confiance en soi, (5) un sens restreint des responsabilités civiques ainsi qu'un (6) sentiment d'injustice, peuvent être des traits de personnalité favorisant des comportements de transgression des règles de circulation chez certains jeunes. Dans le même esprit, Schuman et al. (1967) évoquent les personnalités « impulsives » pouvant être en lien avec les accidents, puis McGuire (1976) suggèrent que les accidents peuvent varier en fonction de l'âge, de la maturité et du niveau d'adaptation sociale du conducteur. Drummond (1989, p. 21) émet cependant quelques réserves quant à ces affirmations absolues qui demanderaient selon lui, des analyses plus approfondies mais qui ont toutefois le mérite de prouver l'intérêt de telles recherches autour du conducteur novice à partir de deux aspects complémentaires : leurs compétences et leurs motivations.

Une recherche plus récente menée par Ulleberg (2002) a porté sur la façon dont les jeunes conducteurs réagissaient aux campagnes de sécurité routière selon leurs traits de personnalité, leur rapport à la prise de risque et leur implication dans les accidents. Pour se faire, un questionnaire a été soumis à 5 970 adolescents en Norvège entre 1998 et 2000. Bien que 85% d'entre eux aient répondu, seuls 56% étaient titulaire du permis de conduire et les analyses ont par conséquent porté sur un total effectif de 2856 questionnaires. Sur la base d'une analyse typologique des mesures de la personnalité (basée sur les scores rapportés au « Sensation Seeking Scale » se Zuckerman (1979), ainsi que les items en rapport avec l’anxiété, l’agressivité, le rapport à la norme, l’altruisme et la colère), six types de jeunes conducteurs ont alors été identifiés. Le questionnairecomportait cinq mesures différentes : le comportement au volant, la perception du risque, les attitudes, l’auto-évaluation de leurs compétences de conduite, leur implication dans des accidents, puis deux autres variables concernant leur sexe et la fréquence d’utilisation de la voiture. Parmi cette typologie deux des types de conducteurs ont été identifiés comme étant des groupes à haut-risque dans la circulation. Le premier de ces 2 groupes à haut-risque se composait majoritairement d'hommes, caractérisés par de faibles niveaux d'altruisme et d'anxiété, une forte tendance à la recherche de sensations, à l'irresponsabilité et à une conduite agressive. Le deuxième groupe à « haut-risque » a aussi déclaré être en recherche de sensations fortes, une tendance à l'agressivité et à l'anxiété ainsi qu'à une conduite agressive. Au regard de ces différentes personnalités, Ulleberg conclut que les jeunes conducteurs ne devraient pas être traités comme un groupe homogène concernant la sécurité routière.

Cette recherche corrobore les résultats de l'étude d'Arnet et al. (1997). Dans cette étude, qui s'intéressait aux jeunes conducteurs imprudents, les auteurs ont en effet mis en évidence deux traits de personnalité fortement corrélés avec l’implication dans des accidents de la route: la recherche de sensations et l’agressivité.

A travers ces études il apparaît donc que la majorité des recherches consacrées aux traits de personnalité s’est focalisée sur des populations de jeunes automobilistes novices. Cependant des travaux plus récents s’intéressent à d’autres populations. C’est par exemple le cas de la recherche de Buisson (2009) qui s’est focalisée sur les traits de personnalité des automobilistes infractionnistes dans le cadre de stage de récupération de points, l'auteur conclut que « les stagiaires de sexe masculin, que nous qualifierons de récidivistes face à l’infraction, ont des scores d’extraversion significativement supérieurs à la population générale des actifs. Sans pouvoir dire que l’extraversion 5 est un facteur de risque d’accident, nous avançons néanmoins que l’extraversion au masculin est liée à l’infraction. » (Buisson, 2009, p223). Ces résultats sont retrouvés dans les travaux de Rimmö et Aberg (1999) qui portaient également sur la relation entre l'implication dans les accidents et certains types d'infractions. Ils ont étudié le profil des conducteurs en termes de recherches de sensations au moyen de l'échelle de Recherche de Sensations de Zuckerman (1979). Les auteurs ont alors montré que la recherche d'émotions et d'aventures (TAS) était liée aux infractions concernant la vitesse et que les traits de personnalité concernant la désinhibition (DIS) étaient liés aux infractions à la prise d'alcool.

Notes
5.

La variable 'extraversion" est l'une des variables utilisée dans le test de personnalité d'Eysenck, ou EPI (Eysenck Personality Inventory).