1.3.2.4.3 Le cas particulier de « la recherche de sensations »

Selon Clark et al. (1990, cité par Lejoyeux etal., 1996) la recherche de risque peut être considérée comme une dimension clinique évoluant sur un continuum, allant de la « prudence maximale » à « l’audace extrême ». Eiksund (2009) note que les individus qui s'exposent volontairement à un niveau de risque élevé, ou recherchent de nouveaux risques, peuvent être qualifiés de « Sensation Seeker », terme introduit par Zuckerman (1979). Selon Zuckerman (1983), en effet, certaines organisations de personnalité pourraient être caractérisées par leur tendance à « la recherche de sensations ». Pour cet auteur (1994, p. 27) « la recherche de sensation est un trait de personnalité caractérisé par le besoin d’expériences et de sensations variées, nouvelles, complexes, et la volonté de s’engager dans des activités physiques et sociales risquées, expériences recherchées pour elles-mêmes ». Afin de mesurer ce trait de personnalité, Zuckerman a développé une échelle de recherche de sensation (Sensation Seeker Scale, 1964) qui se divise selon 5 composantes principales :

  • Composante « Recherche de danger et d’aventures » : s’exprime à travers des sports extrêmes ou des activités comportant des éléments de risque comme le parachutisme ou l’escalade. Les sujets recherchant le danger répondent de manière positive à la proposition : « J’aimerais bien faire de la moto ».
  • Composante « Recherche d’expérience » : correspond au goût, entre autre, pour un style de vie non conventionnel. Par exemple : « J’aime avoir des expériences nouvelles et excitantes, même si elles font un peu peur et sont non conventionnelles ou illégales ».
  • Composante « Susceptibilité à l’ennui » : traduit une aversion pour les activités répétitives ou routinières. Par exemple : « Je ne supporte pas de voir un film une seconde fois ».
  • Composante « Désinhibition » : l’adoption de comportements extravertis et désinhibés socialement, de recherche de stimulation par l’utilisation pharmacologiques et des expériences sexuelles plus variées. Par exemple : « Presque tout ce qui est agréable est illégal ou immoral ».
  • La dernière composante, réintègre différents items des quatre premières composantes et se nomme « facteur généraux ». Par exemple: « J’aimerais bien pratiquer le ski nautique ».

Pour Lejoyeux et al. (1996) « la recherche de sensations conduit à privilégier la multiplicité des expériences, l’intensité de l’existence, la brièveté de l’action et l’étreinte avec le monde. Elle incite à mettre sa sécurité en péril pour tester sa garantie et à rechercher ses limites ». On comprend mieux pourquoi l'individu en mal de sensations fortes aura tendance à prendre plus de risque (au volant ou ailleurs). Jonah (1997) rappelle que le lien entre les individus « chercheurs de sensations » et les comportements de prise de risque avait déjà été observé dès les années 1970.

En matière de conduite automobile, de nombreuses études (Furnham et Saipe, 1993 ; Jonah et al., 2001; Rosenbloom, 2003 cité par Ayvasik et al., 2005) ont mis en relation la recherche de sensations avec des comportements au volant risqués et semblent donc montrer qu’un conducteur qui affiche un score élevé sur l’échelle de Zuckerman aura plus de chance d’avoir un comportement de conduite à risque.

Dans son article « sensation seeking and risky driving », Jonah (1997) a répertorié une quarantaine d'études qui ont utilisé l'échelle de recherche de sensation de Zuckerman pour identifier le lien entre la personnalité du « chercheur de sensations », le style de conduite, la prise de risque et l'implication dans les accidents. La grande majorité de ces résultats montrent une relation étroite entre la recherche de sensations et le comportement de prise de risque en conduite avec une corrélation comprise entre 0,30 et 0,40. Dans ces études, la composante de l'échelle « recherche de dangers et d'aventure » apparaît avoir une relation particulièrement plus élevée avec la prise de risque en conduite. Machin et Sankey (2008) ont mis en évidence que les jeunes conducteurs qui déclaraient être « chercheurs d'excitation » (facteur se référant au Sensation Seeking Scale) avaient plus tendance à avoir un comportement de prise de risque élevé vis-à-vis de la vitesse contrairement aux jeunes conducteurs montrant un faible score aux items relatifs à « l'aversion à la prise de risque ». Un dernier point important à relever concernant l'ensemble des études menées à partir de l'échelle de Recherche de Sensations est que les scores relevés pour certains facteurs (« aventure » et « désinhibition » notamment) sont systématiquement plus élevés chez les hommes que chez les femmes. De plus, le « facteur général » de l'échelle est inversement corrélé à l'âge des participants, et ceci de manière significative (Lacour et al., 1990).

Au regard de ces analyses, il nous semble donc pertinent d’intégré le test du « Sensation Seeking Scale » de Zuckerman parmi l’ensemble de nos méthodes d’investigation de la « conscience du risque » chez les motocyclistes.