1.3.3.2.6 Le modèle de « la perception du danger »

Dans son « modèle de perception du danger », Deery (1999) décrit les principales étapes perceptives et cognitives qui peuvent affecter le comportement face à une situation de conduite dangereuse. Tout d’abord, Deery distingue lui aussi le risque objectif (quantifié et estimé à partir de l’information disponible) du risque subjectif qui relève de l’expérience du conducteur vis-à-vis de situations de conduite critiques du même type. Le modèle décrit alors 5 étapes, ou processus d’évaluation, influençant le comportement du conducteur et ses prises de risques éventuelles, lorsqu’il est confronté à un danger.

Lorsqu’un danger potentiel apparaît sur la route (surgissement soudain d’un piéton sur la chaussée, par exemple), le conducteur doit tout d’abord le percevoir, c’est-à-dire le détecter puis le quantifier en termes de menace qu’il représente pour lui. Cette étape vise donc à estimer le risque objectif à partir de caractéristiques descriptives de la situation et du danger. En fonction de l’expérience subjective (acquise antérieurement par rapport à ce type de danger particulier) qu’a le conducteur, celui-ci va alors évaluer le niveau de risque (Deery parle ici de perception du risque) que ce danger représente pour lui, en se basant sur une auto-évaluation de ses capacités à le gérer, renvoyant pour sa part aux habiletés de conduites dont il dispose (ce qu’il est effectivement capable de faire/maîtriser). Dès lors, le conducteur prend sa décision en fonction de son niveau d’acceptation du risque (pour partie dépendant de ses attitudes sécuritaires en matière de prise de risque, par exemple, ou de recherche de sensation). Sur la base de ces jugements antérieurs, il engage alors un comportement de conduite qui fera appel à une prise de risque plus ou moins conséquente.

Figure 23 : Modèle des processus sous-jacents du comportement de conduite en réponse à un danger potentiel (Deery, 1999)
Figure 23 : Modèle des processus sous-jacents du comportement de conduite en réponse à un danger potentiel (Deery, 1999)

L’auteur a appliqué son modèle au cas particulier des conducteurs novices. Ainsi, par exemple, si un conducteur inexpérimenté détecte plus ou moins rapidement un danger tel que du verglas sur la chaussée (condition spécifique d’accident lié à l’adhérence du véhicule) et qu’il n’a encore jamais roulé sur du verglas, il s’estimera sans doute parfaitement capable de maintenir sa trajectoire. Si, ajouté à cela, il éprouve un certain plaisir à sentir son véhicule glisser (« attitude non sécuritaire ») et qu’il n’a obtenu son permis de conduire que très récemment (« habiletés de conduite » limitées), il est alors plus probable que son comportement puisse mener à l’accident.

Ce modèle nous semble intéressant dans la mesure où il pose les premiers jalons de notre questionnement autour de la notion de « conscience cognitive du risque », notamment concernant la perception danger, l’évaluation subjective du risque et l’estimation que fait le conducteur de ses capacités à le gérer correctement. Bien que l’auteur précise que son modèle n’est pas exhaustif dans la description des processus touchant à la prise de décision et à la prise de risque et qu’il n’offre qu’une compréhension partielle des processus cognitifs et décisionnels du conducteur confronté à une situation critique, nous trouvons particulièrement intéressante la volonté de Deery d’intégrer un processus d’auto-évaluation des capacités dans cette chaîne décisionnelle. Toutefois, ce modèle nous paraît un peu simple sur le plan formel (par rapport aux autres modèles du conducteur présentés dans ce chapitre, par exemple) et reposer sur une exploration hâtive de concepts d’origines scientifiques diverses qui demanderaient à être plus approfondis (la personnalité, les attitudes, les croyances, ne sont pas seulement à considérer, par exemple, au seul niveau de l’acceptation du risque). Enfin, la façon dont Deery appréhende séquentiellement la perception du danger puis celle du risque nous semble quelque peu simplificatrice. Pour notre part, nous préférons articuler le problème de l’évaluation subjective du risque autour de la « Conscience de la Situation ».