1.3.3.4 Les biais cognitifs dans l’évaluation du risque
Lorsque le conducteur est confronté à un danger qu’il a correctement détecté, il évalue subjectivement le risque à partir de ce qu’il pense être capable de faire, puis il opte pour un « compromis cognitif 12» (Amalberti, 1996) entre ce qu'il est prêt à perdre (le risque encouru, c’est-à-dire les conséquences auxquelles il s’expose) pour obtenir un gain (les bénéfices attendus de son action), en fonction de ce qu’il estime être ses probabilités de réussite ou d'échec. Il base ce compromis évaluatif sur un vaste ensemble d’indices perçus, mais également sur la connaissance et l'expérience qu'il a de ce risque, ainsi que sur son attitude personnelle et/ou la valeur que cette prise de risque peut avoir aux yeux de son groupe d'appartenance, sur le plaisir qu’il peut retirer de cette prise de risque ou sur la valeur du gain qu’il peut en espérer, etc. Toutefois, il arrive parfois que l'évaluation subjective du risque par l'individu soit « leurrée » par ce que l'on nomme les biais cognitifs. Nous en présenterons quatre ici, qui ont été plus particulièrement identifiés dans le contexte de la conduite automobile, bien qu'il en existe d’autres dans la littérature:
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l'optimisme supérieur de soi
: « Chacun de nous aurait naturellement tendance à surestimer la probabilité qu’il a de réussir une tâche difficile et inversement sous-estimerait la probabilité d’être victime d’un évènement désagréable » (Peretti-Watel, 2001).
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L'illusion de contrôle
(en relation avec la théorie du locus of Control de Rotter, 1966): « nous aurions tendance à surestimer notre capacité à maîtriser les situations dangereuses, en premier lieu au volant d’une voiture. Pour ces raisons, nous ne nous sentirions pas concernés par les campagnes de prévention. » (Peretti-Watel, 2001).
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L'illusion de connaissance
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croyance d’une connaissance personnelle élevée sur le risque plus qu’on ne l’a réellement. Plus un individu pense bien connaître le risque, moins il se sent vulnérable et plus il pense pouvoir s’en préserver (Weinstein, 1998 ; Frewer & al., 1994a cité par Calandre, 2006).
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Le déni du risque
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Il renvoie au fait que les individus jugeraient un risque en se référant et se comparant à des stéréotypes normatifs (groupes de référence, idéal-type). Les individus ont tendance à incarner le risque en désignant des « victimes stéréotypées » (Peretti-Watel, 2000). Si le risque est perçu comme spécifique à un « groupe à risque » désigné, auquel l’individu n’a pas le sentiment d’appartenir ou n’appartient pas, il s’estimera peu ou pas exposé et ne craindra pas ce risque. Pour Peretti-Watel (2000), ces mécanismes de déni de risque, en raison de son appartenance à un groupe « non menacé », seraient des formes de « protection symbolique et de rationalisation de prises de risque éventuelle ». Douglas & Wildavsky (1982) expliquent la mise en place de cette « protection symbolique » à partir de l’influence culturelle du groupe (Calandre 2006).
Notes
12.
En situation dynamique, l’individu ne cherche pas à prendre une décision « optimale » ; il opte en général pour un choix « de compromis » lui permettant de concilier des contraintes de différentes natures.