1.4.3 Catégories de motocyclistes et « communautés motardes »

A notre connaissance, il n’existe pas de catégories uniformément admises et scientifiquement établies des populations motocyclistes. Dans cette section, nous présenterons donc certaines catégories que nous avons pu trouver dans la littérature à partir de différentes sources (pour partie issue de sondages commandités par le Ministère de Transports français), sans chercher à prétendre ici à l’exhaustivité.

En 2000, la Société Française d’Enquêtes par Sondage (SOFRES) avait réalisé une étude sur les motocyclistes rapportées dans le Dossier Déjeuner de Presse Moto en mai 2003. Elle avait proposé une catégorisation des motocyclistes français en 5 groupes :

  1. Les « Pragmatiques » (30%) : les membres de ce groupe se caractérisent par leur appartenance aux classes d’âge intermédiaires (35-54 ans), sont issus des professions intermédiaires et résident surtout dans les grandes agglomérations. La moto est pour eux un moyen de transport particulièrement pratique pour circuler en ville (principalement du fait du gain de temps) mais aussi une véritable source de plaisir. Ils sont très sensibles à la sécurité routière car ils sont conscients du danger et des risques d’accidents. Leur utilisation est raisonnée plus que passionnée. Ils sont surtout équipés de routières qui leur permettent de bénéficier du confort et de la sécurité, l’esthétique intervient peu dans le choix de la moto.
  2. Les « Hédonistes » (21%) : les membres de ce groupe se caractérisent par une surreprésentation des artisans, commerçants, chefs d’entreprise, et des urbains résidant dans les grandes agglomérations de 100 000 habitants et plus. Pour eux, la moto n’est pas seulement un moyen de transport, c’est surtout un vecteur de loisir et d’évasion, un sport à part entière qui génère souvent un sentiment de puissance. Très empreints du sentiment d’appartenir à un groupe solidaire, ils présentent d’ailleurs le plus fort taux de participation à un club ou à des rencontres de motards, la moto est un vecteur de camaraderie et de socialisation. Ils utilisent majoritairement la moto pour des déplacements ayant une fonction de loisirs et préfèrent la moto à la voiture pour partir en vacances. Ils sont davantage équipés de grosses cylindrées que la moyenne et sont également plus nombreux à posséder une sportive. Ainsi, les critères de choix de la moto associent des qualités à la fois techniques, de performances et d’esthétique. Ils ont une confiance absolue dans leur véhicule et traduisent un manque de conscience de la notion de risque. Ils sont en effet peu réceptifs au discours sécuritaire et assez peu conscients du danger.
  3. Les « Fous du guidon » (19%) : les membres de ce groupe sont à la fois plus jeunes (25-34 ans) et plus senior (55 ans et plus) que la moyenne, appartiennent à des catégories socioprofessionnelles moyennement aisées (employés, ouvriers) et résident en environnement urbain (agglomération de 100 000 habitants et plus). Ce sont de véritables passionnés, avec une volonté d’appartenance au groupe des motards très forte (15% font partie d’un club, 70% participent à des rencontres de motards). Ils sont presque unanimes (97%) à affirmer que la moto est un état d’esprit, qui se traduit par un style de vie et une participation à des rencontres entre motards. Ces sont les plus gros rouleurs puisque la moto est leur moyen de transport unique ou principal. Ils sont particulièrement équipés de grosses cylindrées, notamment plus de 750 cm 3 et de sportives qu’ils sont 2 fois plus nombreux que la moyenne à posséder. Très conscients des risques mais aussi très sûrs d’eux (maîtrise du véhicule, griserie de la vitesse, sentiment de puissance, aucune peur de la circulation), ils prennent des risques souvent voire très souvent. Ce sont ainsi les plus nombreux à avoir eu des accidents.
  4. Les « Désimpliqués » (18%) : c’est dans ce groupe que les femmes sont le plus représentées (16%), de même que les individus âgés de 25 à 34 ans et les ruraux. Leur point commun : ils ne sont pas d’accord avec le fait que conduire une moto soit un plaisir. Ils l’utilisent plusieurs fois par semaine mais pas quotidiennement pour les déplacements domicile-travail et les sorties ou distractions en journée. Ils sont davantage équipés de petites cylindrées qui ne nécessitent pas le permis A. Ils sont conscients des risques mais n’estiment n’en prendre jamais et considèrent que les autres usagers de la route ne font pas du tout attention aux motards. Ils sont plus nombreux que la moyenne des motards à trouver le code de la route mal adapté à la moto (54% contre 49%).
  5. Les « Motards du Dimanche » (12%) : les membres de ce groupe associent la conduite d’une moto à un loisir, et non à un moyen de s’affirmer. Ils n’ont pas un sentiment fort d’appartenance au groupe des motards. Ils ne recherchent pas la griserie de la vitesse, mais considèrent malgré tout la conduite d’une moto comme un sport à part entière. La moto est le moyen de transport secondaire pour 85 % des motards de ce groupe. Il s’agit plus pour eux d’un loisir et d’un moyen de détente à pratiquer le week-end et pendant les vacances. Le choix d’une moto se base essentiellement sur le prix et la maniabilité de l’engin, et ils accordent moins d’importance au confort, à la ligne ou à la puissance de la moto.

En 2005, l’Institut Français d’Opinion Public (IFOP) a également mené une étude sur les profils types de motards auprès de 527 conducteurs français de deux-roues motorisés. Cette étude distingue elle aussi 5 profils de motocyclistes:

  1. Le « Membre de la communauté des motards ». Nostalgique face à la dilution des valeurs de distinction, il est attaché aux codes vestimentaires (blouson, bottes, cuir) et sociaux (salut motard, solidarité et civisme...). Il participe aux événements associatifs et montre peu d’intérêt pour la vitesse.
  2. Le « Randonneur ». Intégré dans la communauté motard, il utilise rarement la moto au quotidien, préférant balades et voyages. Sa conduite est prudente et fondée sur le respect des autres usagers.
  3. Le « Pilote ». La moto est pour lui un loisir. Refusant les longs trajets, qu’il trouve inconfortables, il se fait plaisir avec la vitesse, notamment sur les circuits.
  4. Le « Fonctionnaliste »: Conducteur prudent et fervent défenseur du code de la route, il utilise son deux-roues en ville et/ou pour les trajets quotidiens domicile-travail. La moto est un moyen de transport rapide et économique, non une source de plaisir
  5. Le conducteur « Inconscient »: Jeune et masculin le plus souvent, il se soucie peu de son environnement. La moto, source de liberté, est une passion qui se vit intensément. Elle est aussi un révélateur de toute puissance qui lui permet de repousser les limites en prenant un maximum de risques.

Dans le contexte international, Krige (1995) identifie lui aussi 5 catégories différentes de motocyclistes:

  1. Les « Outlaws » (« Hors-la-loi »): il s’agit habituellement d’un membre d’une organisation criminelle ou d’un gang. Ces motards roulent en groupe plus comme un style de vie plutôt que pour le plaisir de rouler. Ils reflètent le stéréotype de l’image du « Biker » et possèdent généralement une Harley-Davidson ou une moto de type Customs.
  2. Les « Boy wonders » (« Garçons prodiges ») : ces motards sont souvent jeunes et inexpérimentés et ils n’appartiennent généralement pas à un groupe. Ils roulent surtout pour l’attrait du défi et aiment à pousser leurs limites. Entre pairs ils se mettent en compétition et ne considèrent habituellement pas les conséquences de leurs comportements. En général, ils roulent vite et possèdent des motos puissantes en particuliers des motos japonaises.
  3. Les « Dirts » (« Crotteux », au sens ici de « recouverts de boue ») : ils pratiquent la moto de tout-terrain sur routes fermées (pistes enduro, par exemple) ou sur des chemins de campagne. Ils appartiennent souvent à un club et il n’est pas rare qu’ils fassent de cette pratique un évènement familial avec la participation des frères et sœurs, pères, compagnes, etc.
  4. Les « Commuters » (« Utilitaristes »): ils roulent à moto essentiellement plus pour des raisons pratiques (rapidité de déplacement en agglomération, économie, facilité pour se garer, etc.) et non par passion de la moto. Ils ont habituellement des motos traditionnelles ou classiques, et des scooters en France. Ils n’appartiennent pas à un groupe motard et conduisent fréquemment l’automobile du foyer durant le week-end.
  5. « Week-end warriors » (« Guerriers du week-end »): ils appartiennent volontiers à un club. Ils sont généralement plus âgés et ont des revenus plus élevés que les autres motards. Beaucoup de ces motocyclistes pratiquent avant tout la moto comme loisir, et pour le plaisir que cela leur procure. Composés de plusieurs sous-groupes, tels que le HOG (Le « Harley Owners Group »), les « Européens » (motards détenteur des motos de marques européennes) ou encore les « Ulysses » (les motards de plus de 40 ans).

Ces différentes catégories sont intéressantes, car elles permettent d’identifier différents profils très contrastés de motocyclistes, notamment concernant leurs motivations dans l’utilisation de la moto (loisir et plaisir, efficacité, pratiques plus sportives). Elles nous seront donc très utiles pour identifier les « populations cibles » sur lesquelles portera notre recherche, et ceci est d’autant plus vrai que certains « groupes » ou « profils » communs semblent émerger de ces différentes classifications, comme par exemple :

Toutefois, cette première catégorisation repose sur des enquêtes dont l’assise scientifique n’est peut-être pas suffisante. Avant d’arrêter définitivement notre choix en matière de « populations cibles », il est nécessaire de s’appuyer sur des analyses plus poussées de certains profils motocyclistes tels qu’ils apparaissent dans la littérature scientifique, notamment sous l’angle de la prise de risque et de l’attitude face au risque.