1.4.4.2 Attitude et prise de risque vis-à-vis de la vitesse

D’une manière générale il est admis dans la littérature que plus un conducteur roule vite, plus il lui est difficile de prendre les informations, de les traiter et d’y répondre (Aarts et Van Schagen 2006 cité par Broughton et al., 2009). De plus il a été mis en évidence que les conducteurs qui adoptent des vitesses insécuritaires ont de plus fortes probabilités d'avoir un accident (Fildes et al.; Maycock et al., 1998 cité par Broughton, 2009). La vitesse est aussi reliée à la sévérité des accidents en raison des lois physiques concernant l'énergie cinétique18. En somme, la vitesse augmenterait le risque d'avoir un accident et entraînerait avec elle des conséquences plus graves. Pour les motocyclistes, l'absence de carrosserie augmente également la probabilité que l'accident soit grave.

Concernant la vitesse, les motocyclistes adoptent majoritairement des vitesses supérieures aux limitations légales. Le graphique ci-dessous (ONISR, 2007) montre que si, entre 1998 et 2007, la proportion des motocyclistes à rouler au-dessus des limitations de vitesse a diminué, ces derniers adoptent néanmoins plus fréquemment que les autres usagers une vitesse supérieure à la limite légale autorisée par le code de la route.

Figure 29 : Taux de dépassement supérieurs à 10 km/h de la limitation de vitesse légale des poids-lourds, des véhicules légers et des motos entre 1998 et 2007.
Figure 29 : Taux de dépassement supérieurs à 10 km/h de la limitation de vitesse légale des poids-lourds, des véhicules légers et des motos entre 1998 et 2007.

Ce rapport particulier à la vitesse des motards est souvent mis en avant par les automobilistes ou les pouvoirs publics, voire même part une partie des motards eux-mêmes. Mais si la transgression des limites de vitesse autorisée est effectivement plus fréquente chez les motocyclistes que chez les autres catégories d’usagers de la route, l’association de la vitesse à l’image du motard est aussi le résultat d’un jugement sociétal. En effet, comme le rappelle Oudin (2004, p. 5) dans son article intitulé les motards comme figure du risque et de l’incivilité, « le motard a été souvent associé à la transgression des interdits et s’est ainsi façonné une image de blouson noir, de rebelle ou de fou de vitesse. Il est exact que certaines pratiques propres au groupe sont illégales, l’exemple paradigmatique de cet élément est le rapport à la vitesse. Ce qui pour les motards constitue une norme – la rapidité – devient, par changement de référentiel, un crime [pour la société]. Nous savons en effet, depuis Durkheim, que le crime se définit non par sa gravité intrinsèque mais par la sanction qui lui est appliquée. Le regard se décale du comportement du criminel vers la réaction de la société qui punit. Or le motard ignore généralement la question de l’excès de vitesse – au sens que la loi nationale lui donne – pour se conformer à la ligne de conduite propre au groupe, dont le point de mire est le refus de la vitesse excessive. Or aujourd’hui – depuis 1999 et la loi Gayssot – la possibilité d’incarcération pour récidive de grand excès de vitesse est une réalité. Le motard devient ainsi un criminel potentiel, et se sent qualifié de tel, du fait de l’inadéquation entre la loi du groupe et celle de l’Etat ». Celui-ci est alors stigmatisé comme un « fou de vitesse », un « inconscient » voire, comme un « délinquant de la route ».

Toutefois, au-delà de ce jugement sociétal pour partie excessif, si l’image du motard est aussi associée à la vitesse, c’est également en raison de certaines pratiques « extrêmes » de la conduite à moto.

Notes
18.

L'énergie cinétique d'un corps en mouvement est proportionnelle à sa masse et au carré de sa vitesse, par exemple un camion lancé à 100 km/h possède une énergie cinétique plus grande qu'une moto à la même vitesse.