1.4.5.1 Les compétences de conduite

Lévy-Leboyer (1996) définit la compétence comme « des répertoires de comportements plus ou moins bien maîtrisés ». Selon cet auteur, ces comportements mettent en œuvre de manière intégrée des aptitudes, des connaissances théoriques et des savoir-faire acquis par la pratique. En outre, les compétences ne peuvent pas s’acquérir et se développer s’il ne préexiste pas les aptitudes qui y sont associées. Pour cet auteur, les compétences sont aussi intimement liées à une tâche ou à une activité donnée. Ce dernier aspect est également souligné par Le Boterf (1994, p. 20), selon lequel une compétence « ne peut être séparée de ses conditions de mise en application ». Pour Le Boterf, la compétence est définie comme un « savoir-agir », c’est-à-dire comme la capacité du sujet à savoir mettre en œuvre des connaissances pour servir l’action, dans une situation donnée.

En matière de conduite à moto, Goldenberg et al. (2004) définissent la compétence de conduite comme « le niveau optimum d'une conduite sûre basée sur la formation, l'expérience, et le talent ». Selon ces mêmes auteurs, la conduite d’un Deux-Roues Motorisés requiert à la fois des habilités de contrôle (comme le maintien de son équilibre et le contrôle de sa trajectoire ainsi que celui de sa vitesse), mais aussi est surtout des compétences perceptivo-cognitives en matière d’analyse, d’anticipation et de compréhension de la situation de conduite, afin de s’adapter au trafic environnant.

Ainsi, comme le soulignent ces auteurs, la connaissance et l’application du code de la route, si elles sont nécessaires, sont loin d’être suffisantes pour conduire un Deux-Roues Motorisé en toute sécurité. Il faut aussi éviter les pièges de la route (déformations de la chaussée, trous, gravillons et plaques d’huile ou de gasoil, marquages au sol souvent glissants, surtout lorsqu’il pleut, etc.), mais aussi et surtout apprendre tout un ensemble de règles pratiques et implicites qui régissent les interactions entre les Deux-Roues Motorisés et les autres usagers de la route. Il faut aussi apprendre à anticiper les comportements des automobilistes et savoir détecter les situations où ceux-ci n’ont pas vu le motocycliste. Un bon motard, surtout s’il roule plus vite que les autres véhicules (comme c’est le cas lors de congestions du trafic, par exemple) doit donc non seulement planifier ses propres actions, mais il doit aussi prévoir celle des autres, et anticiper tous les changements d’intention de la part d’autrui, plus ou moins inattendus mais susceptibles de mettre sa vie en péril. C’est la seule façon pour le motard de ne pas se « laisser surprendre » et de gérer adéquatement le risque, car la manœuvrabilité d’une moto est finalement très limitée et les réactions trop brutales avec ce type de véhicule entraînent bien souvent avec elles une perte d’équilibre et un risque de chute élevé qui surprendra d’autant plus le motocycliste qu’il manque d’expérience.

En acquérant plus de pratique et de meilleures compétences de conduite, les motocyclistes apprennent aussi à mieux gérer le risque en s’intégrant plus harmonieusement dans le flux des autres véhicules et en basant leurs propres comportements de conduite sur des règles informelles, qui sont plus libérales que les règles du code de la route, mais qui sont intelligibles, comprises, admises et tacitement partagées avec les autres usagers de la route. On comprend mieux ici les résultats obtenus dans la recherche de Van Elslande et al. (2008), dans le cadre du projet 2RM, plus particulièrement concernant le sentiment « d’insécurité » que provoquent parfois les pratiques des motocyclistes Opportunistes chez les conducteurs de voiture, rendant alors leurs comportements (et leurs « surgissements ») totalement imprévisibles par ces derniers (comme le fait d’emprunter des voies réservées aux bus ou la bande d’arrêt d’urgence, voire le trottoir, de couper les zébras ou les lignes continues, de remonter les files de voitures à proximité des feux, ou à slalomer entre les autres véhicules sur le périphérique, etc.).