2.2.1 Le film du Prince Noir: un "objet social"

Comme nous l’avons annoncé précédemment, la première partie du questionnaire se base tout d’abord sur la présentation du film Prince Noir. En 1989, Pascal surnommé depuis le Prince Noir25 réalise l’impensable en relevant le défi de parcourir le tour complet du périphérique parisien le plus rapidement possible. Il filme lui-même son périple à l’aide d’une caméra embarquée et c’est au guidon d’une Suzuki 1100 GSX-R, la moto la plus puissante de sa catégorie et nommée également dans le milieu motard «  la Tueuse » qu’il parcourt les 35 km du périphérique. A plus de 250 km/heure en pointe et à 192 km/heure en moyenne, il termine sa course à 11 minutes 4 secondes. Son record de vitesse fait aussitôt l’objet d’un reportage « Courses interdites » réalisé par Alain Pradel et présenté par Patrick de Carolis. Le documentaire indique par ailleurs que cette année là, 800 motards ont trouvé la mort, 19 000 blessés ont été recensés et rappelle que le périphérique parisien a été le plus mortel de France. Si la presse s’empare de l’histoire de ce motard anonyme (Paris Match, Moto Journal, le Parisien mais aussi la presse étrangère), il fait également l’effet d’une bombe dans le milieu motard. Adulé par certains et renié par d’autres, le Prince Noir soulève des débats passionnés. Vingt et un ans après, il ne cesse de diviser la grande famille des motards et nombres de forums de discussion y font encore référence. L’identité du Prince Noir n’a jamais été révélée, il est aujourd’hui considéré comme un mythe vivant pour les « anciens » et comme une légende urbaine pour les plus jeunes. Le Prince Noir a marqué les esprits mais aussi les générations, par ailleurs il a fait l’objet d’un article paru en octobre 2009 ce qui prouve qu’il reste encore très présent dans l’imaginaire collectif motard.

Plus qu’un film, il s’agit donc là d’un véritable « objet social » dont les images impressionnantes peuvent choquer tant elles recèlent parfois une certaine forme de violence, et face auquel personne ne peut rester indifférent, imposant ainsi à chacun de devoir adopter une certaine attitude vis-à-vis des comportements du Prince Noir, allant de la stupeur à la fascination, en passant par l’admiration ou la condamnation la plus ferme.

Compte tenu de sa dimension sociétale et de sa puissance émotionnelle, et malgré le caractère totalement atypique et marginal de cette pratique extrême de la moto, il nous a paru intéressant d’utiliser ce matériau vidéo comme support d’un questionnaire d’attitudes face aux risques routiers et à la prise de risques au guidon.

Tout l’intérêt de ce questionnaire et de ce film « documentaire » réside ainsi dans le fait qu’il nous permette de recueillir les attitudes de nos sujets sur celle adoptée par le Prince Noir vis-à-vis de la prise de risques et de mettre en relief leurs attitudes concernant leur propre pratique de la moto et sur leur rapport au risque.

Figure 35 : Capture d’écran du film du Prince Noir
Figure 35 : Capture d’écran du film du Prince Noir

Pour les questions en lien avec le film du Prince Noir, nous nous somme inspirés des commentaires laissés par les motocyclistes sur les forums de discussion. Ses sites de discussion en ligne nous ont été très utiles car nous avions accès aux débats et commentaires laissés par des motards de toutes sortes concernant le Prince Noir (du « pro-Prince Noir » à « l’anti-Prince Noir ») ainsi nous avions l’opinion de nombreux motards sur l’attitude du Prince Noir et cela nous à permis de nous faire une première idée sur les divergences de point de vu existant au sein d’une même catégorie d’usagers de la route. Nous avons reporté en annexe une liste non exhaustive des commentaires répertoriés à partir de différents forums de discussion disponible en ligne.

Notes
25.

En hommage au « Baron Noir », l’aviateur anonyme qui en septembre 1988 a survolé Paris la nuit tout en narguant les forces de l’ordre