2.4 Utilisation du différenciateur sémantique

Tel que le rappelle Doise et al. (1992, p. 88) : « le plus souvent, le différenciateur sémantique n’est pas utilisé dans sa forme classique ; en fonction de l’objet de la représentation sociale, il est modifié, adapté ». Nous avons pour notre part remanié le différenciateur sémantique en fonction de notre thème de recherche. C'est ainsi que nous avons proposé une série d'antonymes en lien avec notre objet d’étude : l’estimation du risque et la prise de risque en situation.

Nous avons sélectionné 16 paires d'adjectifs antonymes que nous avons classés en quatre dimensions (nous appellerons « dimensions » le regroupement de plusieurs échelles fortement saturées en un même facteur). Chacune de nos dimensions comportent 4 antonymes distincts :

Les quatre tableaux ci-après présentent les antonymes des quatre dimensions.

Tableau 11 : Les 4 Antonymes de la dimension "description"
DIMENSION : DESCRIPTION
LENTE/
RAPIDE
Il s’agit pour les participants de préciser si le passage de la situation « normale » à « critique » s’est effectué de façon lente versus rapide.
STATIQUE/
DYNAMIQUE
Selon l’obstacle présenté dans la séquence vidéo, les participants doivent décrire si selon eux l’obstacle est dynamique (par exemple une voiture) ou statique (par exemple un trottoir).
OUVERTE/
CONTRAINTE
Cette paire d’antonymes spécifie le sentiment d’avoir une marge de manœuvre pour engager une mesure d’évitement (« ouverte » = « j’ai de la place pour passer et éviter l’obstacle » versus « contrainte » : « je n’ai pas de place pour passer, je suis contraint de freiner/ ralentir ou m’arrêter en attendant de pouvoir passer).
COMPLEXE/
SIMPLE
Les participants doivent préciser si selon eux, la situation présentée est simple à gérer ou complexe à gérer (par exemple, une situation sera complexe s’ils leur faut du temps pour comprendre l’évènement, s’ils ont du mal à déterminer rapidement la bonne attitude à avoir ou la manœuvre à faire comme par exemple le cas d’arrivée sur une intersection avec une voiture qui attend en dépassant le marquage au sol, c’est ambigüe pour le motard : le conducteur à ma droite m’a-t-il vu ? est-ce que je le laisse passer pour être sûr qu’il ne me coupe pas la route ou est-ce que j’accélère pour lui faire entendre que je suis à quelques mètres de l’intersection ? ».
Tableau 12 : Les 4 Antonymes de la dimension "implication"
DIMENSION : IMPLICATION
QUELCONQUE/
SOLLICITANTE
Ces antonymes décrivent le niveau de concentration requis pour gérer la situation. « Quelconque » signifie qu’il s’agit d’une situation banale ne nécessitant pas une forte concentration. « Sollicitante »  signifie au contraire qu’il est nécessaire de mobiliser toutes ses ressources pour faire face à l’évènement.
RESPONSABLE/
PAS RESPONSABLE
Les participants doivent estimer s’ils se sentent responsables de ce type de situation critique, lorsqu’ils y sont confrontés.
SUBIE/
PROVOQUEE
Nous demandons aux participants de déclarer si l’évènement critique est plutôt subi (induit par le comportement des autres usagers par exemple) ou provoqué (par exemple, favorisé par le fait d’arriver trop vite sur l’obstacle ou de faire une mauvaise manœuvre).
INCONTRÔLABLE/
MAÎTRISEE
Les participants doivent exprimer leur sentiment de maîtrise de la situation, c'est-à-dire de juger leur capacité à gérer adéquatement le risque via la mise en œuvre d'une réaction appropriée.
Tableau 13 : Les 4 Antonymes de la dimension "ressentis"
DIMENSIONS: RESSENTIS
SÛRE/
DANGEREUSE
Cette situation vous paraît-elle plutôt sûre ou dangereuse?
CALME/
STRESSANTE
Les participants doivent déterminer si l’évènement critique provoque du stress ou si, au contraire, ils restent calmes face à ce type d’évènement.
INQUIETANTE/
RASSURANTE
Ces antonymes renvoient au caractère plus ou moins inquiétant versus rassurant de la situation, considérée dans sa globalité (comme, par exemple, ressentir une inquiétude lorsqu’il pleut car cela augmente le risque de glisser, ou se sentir menacé par la présence d’un trafic très dense, car cela augmente le risque d’une collision).
AMUSANTE/
PENIBLE
Cette paire d'antonymes sert à décrire le niveau de pénibilité (ou de contrariété) qu’engendre la situation présentée ou, à l’inverse, l’amusement (voire le sentiment d’excitation) qu’elle provoque.
Tableau 14 : Les 4 Antonymes de la dimension "prédiction"
DIMENSION : PREDICTION
PROBABLE/
IMPROBABLE
Ces antonymes sont proposés pour que les participants puissent déterminer si l’évènement critique de la situation pouvait être anticipé dans l’absolu (par exemple : rencontrer des piétons traversant sur un passage protégé, c’est probable, mais rencontrer des piétons traversant un rond-point, çà ne l’est pas).
RARE/
FREQUENTE
Ces antonymes renvoient à l’idée de familiarité avec certaines de nos situations : « rare » si le participant n’a jamais rencontré ce style d’évènement (par exemple, ne jamais avoir vu un piéton traverser dans un rond-point) ou « fréquent », s’il a l’habitude de rencontrer ce type d’évènement (par exemple, éviter un véhicule qui freine brutalement devant soi) lorsqu’il circule à moto.
NORMALE/
ANORMALE
Les participants doivent estimer si nos situations étaient normales ou non, par exemple : « selon vous, est-ce normal de voir un véhicule s’insérer à cette vitesse sur la route ? ». Nous leur précisions que l’intérêt ici n’était pas de mettre à l’épreuve leur connaissance du code de la route mais tout simplement de nous dire si oui ou non nos situations leur paraissaient normales ou pas.
INATTENDUE/
PREVISIBLE
Ces antonymes permettent aux participants de déterminer si l’évènement leur a semblé inattendu (« je ne pouvais pas m’y attendre ») ou, au contraire, fortement prévisible (« j’étais certain de ce qui allait se passer ») au regard de ce qu’il s’était précédemment produit dans la séquence.

La grille du différenciateur sémantique repose sur le même mode de présentation de l'échelle de criticité. En effet nous n'avons pas gradué les échelles, seules les bornes des échelles apparaissent ainsi que leur point milieu. Cela paraissait d'autant plus nécessaire afin d'éviter les biais dans les réponses car la grille du différenciateur sémantique est présentée à la fin de chaque séquence et il est tout à fait imaginable que le participant puisse demeurer constant dans ces réponses en indiquant systématiquement la même valeur numérique précise pour chaque antonyme. Ainsi sur une échelle non graduée le participant a plus de difficulté à mémoriser ses réponses précédentes.

De plus, il s'agit d'échelles à choix forcé où nous contraignons le participant à ne pas donner de réponse neutre. Etant donné qu'il s'agit d'échelles bipolaires le curseur est initialement placé au centre de l'échelle pour ne pas induire les réponses du participant.

Enfin, nous avons volontairement alterné les pôles positifs et négatifs des antonymes de manière à ne pas induire un sens de réponse aux participants qui pourraient être tentés de remplir le différenciateur sémantique de manière automatique au fil de l'expérimentation.

Les réponses du participant s'étalonnent entre 0 et 100 sur chaque échelle. Toutes les réponses sont enregistrées dans un fichier informatique annexe pour chaque participant.