3.5.3 Leur identité motarde et comment ils définissent leur place dans la communauté

Les Utilitaristes n’estiment pas faire partie de la communauté motarde, le deux-roues est seulement un moyen pratique pour les déplacements en ville car il leur est plus facile de se garer et de se dégager des encombrements. Comme l’atteste l’une des remarques de l’un d’eux « je ne prends pas de plaisir à rouler en deux-roues en ville, à la rigueur pour me parker et quand je peux doubler » ou encore « je suis passé au scooter car je passais trop de temps dans les bouchons et j’avais un problème d’amendes à répétition ». Leur pratique de la moto apparaît comme un mode de déplacement plus qu’un mode de vie « ce n’est pas la moto qui fait le motard, moi j’ai juste un scooter et çà s’arrête là ! ».

Les Sportifs-Débutants pensent qu’ils n’ont pas encore atteint le statut de motard, ils ont conscience de ne pas avoir encore fait leur preuve à moto : « motard un jour, motard toujours comme dit le dicton mais là je n’ai pas encore acheté la moto ! ». Rentrer dans la communauté motarde passe par l’obtention du permis A certes mais pour se revendiquer motard il faut acquérir de l’expérience « on verra quand j’aurai affiché les bornes ».

Les Sportifs (Expérimentés et Novices) revendiquent fortement leur appartenance à la communauté motarde mais semblent en fin de compte appartenir à la famille des Sportifs : vitesse, accélération, grosses cylindrées « en R », « conduite arsouille », « stunt », « virolos », « déhanchement » et « ligne de peur » sont les mots qui reviennent le plus souvent dans leur discours lorsque l’on évoque leur pratique en tant que Sportifs. « Je préfère les virages dernier carat, les virolos où çà frotte de partout plutôt qu’aller me maquer sur l’autoroute, çà demande plus de maîtrise ». Nous avons également relevé que parmi nos 12 participants Novices, 7 d’entres eux sont fils de motard.

Les Bikers pour leur part, s’estiment également être des « motards dans l’âme » mais nombre d’entre eux ont précisé « on est surtout Bikers dans l’âme », « la HD ce n’est pas une moto c’est un mode de vie ». Ils se montrent très attachés aux valeurs de leur groupe telles que la « solidarité » ; la « fraternité » ; « le respect » et la « convivialité ». Ils se caractérisent par leur capacité à parcourir de longs trajets en groupes.

Les Utilitaristes considèrent les autres « deux-roues » comme ceux qui ont le permis A et qui sont passionnés de moto. Ils ne font pas la distinction entre un motard amateur de moto Sportives ou de Harley ou d’autres types de moto. La majorité de nos participants incluent ainsi les motards comme un tout : « une famille particulière, qui est passionnée de moto ». Sous une note plus humoristique l’un deux rajoutera qu’il existe deux types de motards : « il y a ceux qui vont tomber et ceux qui sont tombés ! ».

Les Novices et les Débutants catégorisent les motards en plusieurs sous-groupes, ceux qui ont des Customs (« les Vieux »), des Roadsters (« ceux qui commencent la moto »), des Sportives (« les vrais motards »), les Cross (« pour aller dans les bois ») puis dans une moindre mesure : « les petites motos, pour la ville » et « les Routières pour les promenades en couple ». Ainsi comme le dira l’un de nos Débutants « mon oncle vient de s’acheter une Goldwin, il aurait mieux fait de s’acheter une 206, il veut le confort et çà ce n’est pas une vraie moto ».

Les Sportifs catégorisent les motards en d’autres termes : « il y a le motard passionné : peu importe la machine, ce qui compte c’est de rouler, c’est une passion », « le motard frimeur : il veut épater les autres avec sa moto», « les crotteux qui vont aller faire du cross dans les champs », « le motard utilitaire : il aime la moto et il va aussi la sortir pour aller bosser », « le motard inconscient : ceux qui se croient au dessus des autres sans se rendre compte des risques qu’ils prennent, ils sont immatures et inexpérimentés ». Ils n’évoqueront pas les motards qui ne possèdent pas le permis A. Entre eux également, ils se nomment en fonction de la marque de leur moto « moi je suis Ducatiste par exemple, d’autres sont Yamahistes, d’autres Hondistes, Daytoniste, etc. ». Un motard nous dira « je suis Ducatiste et ma femme est Aprilienne !  ».

Les Bikers catégorisent les motards d’après plusieurs critères. La première catégorie a trait à la « nationalité » de la moto : l’HD (l’américaine), les BMW (l’Allemande) et les Japonaises. L’autre catégorie se fait au sein de leur propre catégorie : les « HOG » et les « autres ». En effet, les HOG appartiennent au Chapter de France et les « autres » sont également détenteurs de Harley-Davidson et font parti d’associations indépendantes qui possèdent leurs propres couleurs.

Les Utilitaristes définissent les autres motards comme étant « too much » et réduisent parfois ces motards passionnés à des abonnés à la célèbre revue motarde Joe Bar Team.

Les motards qui revendiquent leur appartenance à la communauté motarde définissent les Utilitaristes comme n’étant pas des motards. Par ailleurs, ils les nomment « les donneurs d’organes » ou les « morts-vivants ».

Les Sportifs décrivent les Bikers de la sorte : « les types en Harley, ils se trainent, ils friment, il n’y a que de l’aluminium, ils perdent des boulons en route », et autre « on les appelle les tracteurs, c’est lourd, c’est gros, çà n’avancent pas ». Ils font l’objet d’autres remarques moins glorieuses : « les mecs en Harley, ils ont un gros bide c’est pour çà qu’ils ont des Harleys, vous les voyez penchés sur une sportive ? ». Un Débutant nous demandera pendant l’entretien « vous interrogez aussi des Bikers ?...et ils viennent vous voir avec leur choppine ? ».

Les Bikers surnomment les motards Sportifs « les Tupperwares, leurs bécanes sont toutes en plastique ». D’autres les appellent encore « les Playmobils, ce n’est pas des motos, il n’y a que du plastique ». Entre eux, les Bikers appartenant à des associations indépendantes du Chapter de France définissent les HOG comme les « Blessés-Légers » (pour BC-BG : « bon chic, bon genre ») « leur blouson est tout droit sorti du magasin Harley, il n’y a pas de moustiques, ils n’ont jamais mis leurs mains dans le cambouis ni dans un moteur », et encore « Harley c’est friqué, c’est devenu un concept marketing ».