4.1.1.2 Attitudes par rapport aux risques à moto et à «l’esprit motard »

Ce bloc de 8 questions visait à mieux cerner les attitudes de nos participants vis-à-vis du risque et de la prise de risque à moto associée à certaines pratiques considérées ici sous l’angle particulier de « l’identité motarde ». L’objectif était à ce niveau de savoir si ces pratiques constituaient ou non un système de valeurs constitutives pour chacune de nos différentes communautés motardes. Au final, les résultats obtenus (rappelés dans le tableau ci-dessous) montrent des différences significatives entre la communauté des Sportifs et les 2 autres groupes (Bikers et Utilitaristes).

Ainsi, pour une large part des Sportifs , des Novices et des Débutants , la moto est clairement associée à la vitesse et, dans une moindre mesure, au Stunt (acrobaties). A l’opposé de ce modèle identitaire « Sportifs », on trouve les Bikers qui, tout en revendiquant fortement leur identité de motards, n’adhèrent absolument pas aux valeurs de Vitesse et de Stunt. Il en va de même pour les Utilitaristes, pour lesquels le deux-roues est le moins associé à la vitesse (17%). Cependant, en ce qui concerne le stunt, la quasi-totalité des Utilitaristes ont répondu « oui », mais dans la mesure où ils associent ces pratiques acrobatiques à « d’autres groupes de motards » (et notamment aux Sportifs), et aucunement parce qu’ils les pratiqueraient eux-mêmes.

Nous reviendrons ultérieurement sur ce rapport particulier à la Vitesse et au Stunt qu’entretiennent spécifiquement les motards de profil Sportif lorsque nous discuterons les résultats obtenus avec le MRBQ, dont plusieurs items portent précisément sur cette question. Mais nous pouvons affirmer ici que la « culture » de la vitesse comme la réalisation de certaines acrobaties au guidon sont des valeurs partagées par la communauté des motards « Sportifs », qui les distinguent de nos autres communautésmotocyclistes. Cette différence apparaît également à travers la question « qui n’a jamais poussé sa moto à fond » à laquelle les Sportifs, les Novices et les Débutants répondent positivement, alors que les Utilitaristes et les Bikers pensent l’inverse.

Tableau 55 : Rappel des principaux résultats obtenus avec ARTIQ pour cette dimension
  Utilitaristes Bikers Sportifs Novices Débutants χ²
  Les résultats exprimés en % correspondent aux proportions de réponses « OUI  »  
22. Qui n’a jamais poussé à fond sa moto, même en pleine circulation 33% 42% 83% 83% 75% S
23. Il faut avoir du feeling pour être un bon motard 83% 75% 42% 42% 50% ns
24. L'esprit motard c'est le stunt 92% 0% 42% 58% 50% S
25. L'esprit motard c'est la vitesse 17% 33% 100% 92% 83% S
27. La moto c'est dangereux surtout à cause des autres 25% 25% 58% 83% 42% S

Un autre résultat intéressant apparaît ici concernant le rapport « au risque » d’une manière très générale lorsqu’on conduit une moto, ainsi qu’à la façon de « vivre ce risque ». En effet, à la question « pensez-vous qu’il faut avoir du feeling pour être un bon motard ? », les Utilitaristes (83%) et les Bikers (75%) sont majoritairement d’accords, alors que les Sportifs, comme les Novices et les Débutants, sont beaucoup plus partagés à ce sujet. Afin de mieux comprendre ces jugements très contrastés, qui nous avaient tout d’abord surpris, nous avons rediscuté de cet item avec les participants lors des entretiens semi-directifs. Pour la plupart de nos participants, le mot « feeling » a été interprété comme un mélange d’intuition et de chance . Or, si pour les Bikers, et plus encore pour les Utilitaristes « la chance » (ou son contraire, la « fatalité ») fait intégralement partie de la conduite à moto, une frange importante des motards Sportifs à tendance à considérer qu’un « bon motard » doit avant tout se reposer sur ses compétences et sa propre maîtrise du risque plutôt que de s’en remettre aux mains du « hasard ». Ainsi, si les Sportifs se reconnaissent bien dans la composante « intuition » du mot feeling (ils insistent souvent sur l’idée de savoir « sentir la route » et ses dangers), beaucoup semblent en revanche réfractaires à l’idée d’une « chance hypothétique ». C’est plutôt la culture du contrôle et de la prise « maîtrisée » de risque qui semble primer chez eux, ce qui ne correspond à des valeurs particulièrement mises en avant par les Utilitaristes et les Bikers .