4.1.3.2 L’identité motarde des « Sportifs »

Concernant les Sportifs, et plus particulièrement ici les Expérimentés et les Novices, ces résultats montrent tout d’abord que ces motocyclistes ont une forte identité motarde, puisqu’ils se déclarent presque tous être « des motards dans l’âme ». Pour ce qui est des Sportifs Débutants, dont seul 33% répondent par l’affirmative à cette même question, cela ne signifie pas ici qu’ils soient moins attachés que leurs aînés à cette identité motarde, bien au contraire, mais simplement qu’ils ne se sentent pas encore « en droit » de la revendiquer avec toute la légitimité nécessaire. Comme l’un d’entre eux l’a souligné lors de l’entretien : « on verra quand j’aurai affiché les bornes ! ». Ainsi, pour ce groupe, rentrer dans la communauté « motarde » passe par le sésame de l’obtention du permis A certes, mais pour pouvoir se revendiquer comme un « Vrai motard », et surtout en être digne à leurs yeux, il faut avoir acquis de l’expérience et avoir fait ses preuves à moto. Au-delà de la conduite en elle-même, les Sportifs dans leur ensemble ont des activités liées au monde du deux-roues, que cela passe par l’appartenance à une association, la visite des salons spécialisés moto, s’intéresser à l’actualité en lien avec la moto et plus généralement, être entourés d’amis motards tout comme fréquenter les forums de discussion en ligne dédiés au motocyclisme. Les Sportifs expérimentés ont tous, pour leur part, une connaissance de la conduite à moto sur circuit et pour la majorité d’entre eux, une pratique fréquente sur circuit qui s’inscrit indubitablement dans leur identité et dans leur culture de motard Sportif. Ainsi, ils accordent une grande valeur à la maîtrise du beau geste technique et aux compétences très « pointues » que requiert le pilotage d’une telle machine, afin d’en apprivoiser toute la puissance.

Ces premiers résultats sont appuyés par les réponses apportées par les Sportifs lors des entretiens semi-directifs qui clôturaient l’expérimentation. Nous nous centrerons ici essentiellement sur la troisième partie de l’entretien au cours de laquelle nous abordions leur identité motarde au sein de la communauté motocycliste, et leurs définitions des autres groupes de motards différents du leur d’après eux.

Tout d’abord, les motards Sportifs se définissent clairement comme tels en regard du modèle de moto qu’ils possèdent (des grosses cylindrées « en R »). La moto est donc un véritable « objet d’identification » personnelle et un fort marqueur d’identité pour les membres de cette communauté. Ils partagent par ailleurs un vocabulaire qui leur est propre (le terme « arsouille », qu’ils définissent comme « une démonstration de conduite rapide entre motards », en est un exemple) et accordent à la moto une place prépondérante dans leur vie privée. La passion du motocyclisme ne s’exprime pas seulement sur la route, mais aussi dans leur discours et au travers de leurs activités en temps libre (par exemple, lire des revues sur le motocyclisme). Selon eux, « rouler en sportive » est ce qui caractérise « LE » motard par excellence. Cependant, ils admettent qu’il existe d’autres types de motards sans nécessairement établir des catégories précises, en effet ils se basent sur des critères tels que les motivations (« l’utilité », la « frime »), le type de moto (la moto Cross par exemple) ou encore la maturité du motard (« le motard jeune et inconscient »). On notera cependant des jugements stéréotypiques négatifs à l’égard d’autres groupes motards, et notamment des Bikers (« les mecs en Harley, ils ont un gros bide c’est pour çà qu’ils ont des Harleys, vous les voyez penchés sur une sportive ? ») ou de leurs motos (« les types en Harley, ils se traînent, ils friment, il n’y a que de l’aluminium, ils perdent des boulons en route », « on les appelle les tracteurs, c’est lourd, c’est gros, çà n’avancent pas »). Pour ce qui est des Utilitaristes en Scooter, ils ne sont pas considérés comme des « Motards » (et ils les nomment les « donneurs d’organes » ou les « morts-vivants »). Ainsi, au regard de la théorie de l’identité sociale de Tajfel et Turner (1979 ; cf. 1.2.3), cette forme de sociocentrisme atteste bien que nous avons à faire ici à un véritable « groupe social ».

Au regard de tous ces éléments, nous pouvons donc confirmer notre hypothèse initiale concernant l’existence d’une communauté de « Motards Sportifs », constituée comme un « groupe social » distinct des autres groupes de motocyclistes.