Chapitre III : Mise en scène de l’auteur et discours romanesque

1) Du roman d’idées aux je de la mise en abyme

La problématique de l’invention romanesque, passée au prisme de l’idéologie politique et des règles esthétiques qui régissent l’élaboration d’un roman d’idées, nous a conduit à faire dialoguer Gide et Semprun. En effet, les deux auteurs se rejoignent dans une relation intertextuelle fondée sur la lecture de Gide par Semprun, qui emprunte à son prédécesseur les procédés romanesques qui servent son projet d’écriture, l’amènent à « faire [du] témoignage [...] un espace de création » (EV25-26). Suivons donc la direction indiquée par Gide dans le Journal des Faux-monnayeurs, pour étudier ce qui apparaît comme une relation de continuité entre la volonté de l’auteur d’exposer des idées dans le roman et sa création d’un « personnage (le romancier) ». Au fur et à mesure, cette lecture de Gide nous permettra de conceptualiser les enjeux de la mise en scène de l’auteur chez Semprun, pour observer d’abord sa réalisation romanesque dans L’Algarabie (1981), livre d’imagination qui se distingue ainsi des œuvres de témoignage100. Ayant à son sujet étudié la mise en scène de l’auteur comme un procédé purement romanesque, il sera temps de revenir au Grand voyage pour en proposer une nouvelle lecture, et observer la manière dont la mise en scène de l’auteur contribue de manière essentielle à la problématique du témoignage et à sa relation au discours romanesque.

Notes
100.

Quoique la distinction soit toujours délicate, tant les textes historiques s’emplissent de fiction, et tant les romans d’imagination s’inscrivent dans un contexte historique. On verra de quelle manière cette ambiguïté se met en place dans L’Algarabie.