1.3.2. De la stratégie des connaissances rapportées à la stratégie de connaissances transformées : le modèle développemental de Bereiter et Scardamalia (1987)

Bereiter et Scardamalia (1987) ont été amenés à se poser la question des stratégies de production d’un point de vue développemental chez les sujets âgés de 9-10 ans à 15-16ans. Pour ces auteurs l’accès à l’expertise se réalise principalement au niveau du processus de planification. Celui-ci évolue de la stratégie des connaissances rapportées vers la stratégie des connaissances transformées.

La stratégie des connaissances rapportées consiste à formuler les informations au fur et à mesure de leur récupération en mémoire et repose donc sur les connaissances du rédacteur. La planification puis la production du texte vont s’appuyer sur l’articulation de la représentation mentale de la consigne, des connaissances du discours et des connaissances du contenu. Le scripteur produit pas à pas son texte sans procéder à une planification globale de son discours écrit. Au cours de la production s’effectue une mise à jour de la représentation mentale du texte. Cette mise à jour pourrait venir alimenter les connaissances des types de discours et des schémas de tâche en mémoire à long terme. Selon les données de Bereiter et Scardamalia (1987), c’est la stratégie la plus systématiquement employée par les jeunes rédacteurs car ils récupèrent les données une par une et les transcrivent telles quelles. Ce type de production se rencontre surtout dans les textes narratifs chez les plus jeunes mais aussi chez les plus âgés dans des textes descriptifs ou argumentatifs.

Quant à la stratégie de transformation des connaissances, il s’agit, en quelque sorte, d’un processus d’aller et retour entre « l’espace du contenu » et « l’espace rhétorique » permettant de résoudre des problèmes relatifs au texte en cours de rédaction et ainsi produire un texte en adéquation avec ses intentions et sa visée communicative. Le scripteur pourra planifier son texte de manière plus globale qu’avec la stratégie des connaissances rapportées. La stratégie de transformation des connaissances demande au scripteur de coordonner des dimensions rhétorique, linguistique et pragmatique. Chanquoy et Alarmagot (2002) notent que cette stratégie est souvent comparée aux stratégies mises en œuvre en résolution de problème. En effet, la complexité de cette résolution tient à l’interaction entre le fonctionnement de la composante analysant le problème et les buts rédactionnels, la planification du contenu et la planification des procédés rhétoriques. La composante relative à l’analyse du problème et des buts rédactionnels permet une analyse complexe de la tâche à effectuer, des objectifs à atteindre et des moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Elle permettra de résoudre d’une part les problèmes liés à la planification du contenu (quoi dire ?) et d’autre part à la planification des procédés rhétorique pour exprimer ces contenus (comment le dire ?) Ce fonctionnement interactif prendra appui sur les connaissances et représentations que le scripteur a construites en mémoire à long terme. Ces connaissances et représentations stockées en mémoire à long terme seront à leur tour alimentées par les différentes situations de production écrite auxquelles le scripteur se confronte.

Alors la distinction de Le Ny (1985,2005) entre deux modes de représentations intervenant en résolution de problème semble pouvoir être reprise pour la production écrite. L’auteur définit la notion de représentation comme « une entité cognitive dotée d’un contenu, présente dans un esprit, susceptible d’en déterminer le fonctionnement, mais non nécessairement consciente » (Le Ny, 2005, p.57). Il s’agirait pour le sujet confronté à une situation de résolution de problème de construire des représentations transitoires qui prendront appui sur des représentations types. Les représentations types sont des représentations sous-jacentes à la résolution d’un problème. Le sujet ayant été confronté à différentes situations de résolution et ayant observé différentes situations problèmes a pu construire des structures durables associées à certaines situations : les représentations types. Lors de la résolution d’un nouveau problème, le sujet va s’appuyer sur cette structure et construire de nouvelles représentations qui prennent en compte les spécificités de cette situation unique. Ces nouvelles représentations telles qu’elles ont été construites ne vont pas venir, en l’état, s’additionner aux représentations types déjà existantes. Une partie des représentations pourra venir alimenter les structures durables alors qu’une autre part ayant été construite face à une tâche unique sera, une fois la résolution terminée, laissée de côté. Ces représentations construites pour la résolution d’un problème particulier sont alors appelées des représentations transitoires (Le Ny, 1985, 2005).