Opérationnalisations

Avant de poursuivre, il convient donc de définir les conditions d’observation de tels phénomènes mnésiques. En 2007, Meyer et collaborateursont réalisé une étude en IRMf, dans laquelle les participants sont confrontés de manière passive à des stimuli audiovisuels. Dans une première phase, ils perçoivent des stimuli uniquement visuels (i.e. red flashing visual stimuli), s’en suivent une deuxième phase avec stimuli auditifs isolés (i.e. phone ring) et une troisième phase où les stimuli visuels et auditifs sont présentés simultanément. Enfin, pour la quatrième phase, les participants sont de nouveaux confrontés, soit aux mêmes stimuli audiovisuels, ou soit confrontés uniquement aux stimuli visuels. Lors de cette phase, les auteurs ont observé chez les participants les mêmes activations cérébrales avec les deux types de stimuli. En d’autres termes, la simple présentation d’un composant de l’association audiovisuelle (ici arbitraire et incidente) entraîne une activation de l’aire cérébrale impliquée dans le traitement de l’autre composant, comme si ce composant était perceptivement présent. Suivant cet exemple, si la présentation d’un composant d’une association arbitraire entraîne l’activation automatique de l’aire cérébrale correspondant à l’autre composant de l’association, cette activation doit pouvoir s’observer d’un point de vue comportemental par l’intermédiaire d’un paradigme d’amorçage à court ou à long terme. Par conséquent, on peut considérer que la présentation d’un composant visuel seul d’une association audiovisuelle préalable, doit nécessairement entraîner l’activation des aires cérébrales auditives impliquées dans le traitement du composant auditif associé, ce qui devrait venir influencer le traitement ultérieur de stimuli impliquant les mêmes dimensions auditives. Or, observer un tel résultat ne permet pas de conclure sur la nature du lien fonctionnel entre ces deux éléments en mémoire : intégration ou interaction (voir Versace et al., 2009). En effet, si l’intégration mnésique est semblable à l’intégration perceptive, elle doit nécessairement être sensible à la synchronisation (temporelle et/ou spatiale) des activations entre les différents composants sensoriels, ce qui devrait se traduire par une modulation des activations lors de la récupération d’un des composants ou de la totalité de la trace. Cela implique donc bien que la trace mnésique doit intégrer les multiples composants de l’expérience perceptive (voir figure 4).

Dans ce cas, la présentation simultanée de deux informations, auditive et visuelle, amène la création d’une trace mnésique épisodique intégrant les deux composants de l’expérience perceptive (voir figure 4a). Par conséquent, la présentation ultérieure d’un élément de l’association audiovisuelle préalable entraîne la réactivation automatique de l’autre élément (voir figure 4b & 4c). Si l’élément réactivé conserve les dimensions de la situation perceptive (e.g. sa fréquence), il est alors capable d’influencer le traitement ultérieur d’un stimulus perceptif qui partage les mêmes dimensions. Observer un tel phénomène attesterait du caractère multimodal de la trace mnésique. De plus, la dimension temporelle doit nécessairement moduler cette observation, c’est-à-dire perturber (figure 4b) ou faciliter (figure 4c) le traitement. Dans ce cas, observer une modulation de l’effet entraîné par une manipulation du temps de présentation de l’élément visuel de l’association permettrait de discuter de la nature des composants constitutifs des traces mnésiques.

En résumé, l’intégration mnésique doit permettre le maintien au sein de la trace mnésique des liens spécifiques entre les multiples composants de l’expérience. Donc l’intégration mnésique est sensible aux mêmes facteurs que l’intégration perceptive (synchronisation temporelle et spatiale des activations) et les composants encodés au sein de la trace gardent leurs caractéristiques perceptives.

Figure 4 : La perception laisse des traces mnésiques épisodiques et multimodales. 4a : La présentation simultanée d’une forme géométrique et d’un son aboutit à la création d’une trace mnésique multimodale qui reflète le lien spécifique entre des composants qui conservent leurs caractéristiques perceptives. 4b :
Figure 4 : La perception laisse des traces mnésiques épisodiques et multimodales. 4a : La présentation simultanée d’une forme géométrique et d’un son aboutit à la création d’une trace mnésique multimodale qui reflète le lien spécifique entre des composants qui conservent leurs caractéristiques perceptives. 4b : Perturbation du traitement du stimulus cible engendrée par un chevauchement temporel entre dimension réactivée et dimension perceptivement présente. 4c : Facilitation du traitement du stimulus cible engendrée par la dimension réactivée qui préactive le traitement de la dimension perceptive.