Discussion

L’objectif de ce chapitre était d’illustrer la question des traces mnésiques8 dans le modèle ACT-IN. D’après Versace et al. (2002 ; 2009), les traces mnésiques sont le reflet de la perception et donc, en conséquence, sont de nature épisodique et multimodale. Nous avons donc examiné de manière rigoureuse ces deux caractéristiques en nous penchant plus particulièrement sur les conditions de formation des traces mnésiques et la nature des composants de ces dernières.

Nous avons accordé une attention particulière à ce point dans la première section de ce chapitre. Nous sommes partis du constat que la perception et la mémoire partage un ensemble de mécanisme de traitement de l’information, notamment grâce à un recouvrement des zones cérébrales engagées dans ces deux fonctions cognitives. Nous avons alors souligné, au travers une démonstration expérimentale, le fait que les traces se forment lors d’expériences perceptives multimodales en liant en mémoire les multiples dimensions relatives à l’objet ou à la situation, et ce grâce à un mécanisme que nous avons appelé intégration mnésique. Les dimensions sensorielles et/ou motrices constitutives de la trace conservent alors leurs caractéristiques perceptives (pour une revue voir, Versace et al. 2009). À l’issue de cette section, nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle la trace mnésique est formée lors d’un événement perceptif et est épisodique et multimodale. Ceci est d’autant plus vrai que lorsque les dimensions de la trace sont intégrées, elles sont alors capables d’interagir à partir d’un indice et influencer le traitement en cours. Or, pour de nombreux auteurs (e.g. Thompson, 2005), cette relation interactive (la simulation, Barsalou, 2008) au niveau des dimensions multimodales de la trace ne devrait s’observer que dans les traitements qui impliquent des connaissances épisodiques (e.g. imagerie mentale, rappel, reconnaissance).

Dans la deuxième section de ce chapitre, nous nous sommes attachés à vérifier l’assertion selon laquelle il n’existerait pas de différence qualitative, c’est-à-dire modale vs. amodale, entre des formes de connaissances. A l’inverse des traitements épisodiques, les traitements conceptuels sont censés impliquer une unité fixe, acontextualisée et amodale. Nous avons critiqué cette définition en présentant une série de résultats expérimentaux attestant du caractère flexible (voir aussi Hoenig et al, 2008) et notamment multimodal (Barsalou et al., 2003b ; Brunel et al., 2010 ; Connel & Lynnot, 2009) des concepts en mémoire9. De plus, lors de cette section, nous sommes revenus sur la notion d’intégration mnésique en montrant que cette dernière ne se limite pas aux dimensions de l’expérience mais est aussi impliquée dans le maintien des propriétés d’un épisode (Vallet et al., sous presse).

Notes
8.

Pour une discussion sur les mécanismes biologiques de la trace mnésique (Voir Thompson, 2005)

9.

Pour des exemples de travaux sur le caractère contextualisé des concepts, voir McKoon & Ratcliff, 1986 ; Pecher & Raajmakers, 2004.