Des liens bilatéraux entre mémoire et perception

Il est clair maintenant que l’expérience perceptive détermine le contenu de nos connaissances en mémoire. En ce sens, l’accès à nos connaissances (quelque soit le traitement) est souvent lié à une simulation multimodale de propriétés sensorimotrices issues d’une expérience perceptive préalable. La perception influence la mémoire en contraignant tout ou en partie10 le contenu des traces mnésiques. Or le rapport qui unit ces deux fonctions est loin d’être unidirectionnel.

Au niveau perceptif visuel, on note que des effets d’amorçages visuels ou des biais perceptifs induits par des connaissances préalables (notamment au niveau de la couleur) ont été observés lorsque les participants devaient : 1) déterminer la couleur d’un objet (Hansen et al., 2006) – dans ce cas on s’aperçoit que la couleur ajustée est distordue en fonction de la couleur typique de l’objet ; 2) reproduire la couleur d’un objet flashé (Goldstone, 1995) – dans ce cas on s’aperçoit que les participant distordent la couleur perçu en fonction de la couleur typique qu’ils avaient précédemment associée à l’objet ; 3) déterminer une couleur observée dans le cas de la rivalité binoculaire (pour une revue voir Pearson & Brascamp, 2008) – dans ce cas on s’aperçoit que l’œil dominant est celui qui va traiter la couleur précédemment simulée.

Au niveau perceptif tactile, percevoir la latéralité d’une stimulation tactile (e.g. une pression sur la joue droite) peut être biaisé lorsque le sujet voit un individu recevoir une stimulation controlatérale (e.g. une pression sur la joue gauche) à la stimulation appliquée au sujet. Dans ce cas, les participants ont tendance à reporter qu’ils ont été stimulés des deux cotés (Banassy & Ward, 2007).

De plus, au niveau perceptif auditif, nous avons mis en évidence que la simulation d’une dimension auditive (la fréquence) est capable d’influencer le traitement perceptif sur cette même dimension (Brunel et al., 2009a). A notre connaissance, aucune recherche n’a encore mis en évidence une distorsion du traitement perceptif d’un stimulus auditif par la simulation préalable d’une dimension auditive. En revanche, la présentation d’un stimulus auditif précédemment associé à une couleur est capable de biaiser le traitement perceptif visuel en cours (Howells, 1944).

Il apparaît que le rapport qui unit les fonctions perceptives et mnésiques est clairement bidirectionnel. En effet, le traitement perceptif en cours peut être influencé (accéléré ou ralenti) ou biaisé par des connaissances préalables sur les dimensions, objets, événements, voire sur le traitement lui-même (Riou, et al. , en révision).

Notes
10.

Pour Barsalou (2008), les états affectifs sont aussi une dimension de la trace dans le sens où ils sont simulables lors du traitement (voir aussi le rôle de l’émotion, Versace, et al. 2002 ; 2009).