Conclusion

L’objectif de ce chapitre était de savoir si l’efficacité dans les activités de type catégoriel repose sur l’existence d’une unité abstraite apprise (e.g. un prototype) ou si elle dépend d’un appariement entre l’exemplaire à traiter et les exemplaires précédemment rencontrés ?

Nous avons pour cela en particulier présenté une étude réalisée au sein de notre équipe, permettant à la fois de départager les différents types de modélisation de l’activité de catégorisation (i.e. modèle prototypique, modèle à frontière décisionnelle, modèle d’exemplaire, voir aussi Nososfky & Stanton, 2005) et d’explorer les effets de généralisation et de discrimination liés à l’existence d’une catégorie multimodale. Les résultats de notre étude sont clairement en faveur d’une approche de la mémoire basée sur des exemplaires où ces derniers sont représentés comme des points distribués (selon des relations de similarité) dans un espace multidimensionnel multimodal. Ce constat vient clairement remettre en question l’idée selon laquelle l’efficacité du traitement catégoriel (e.g. la catégorisation) fait appel à une unité abstraite (e.g. le prototype) de plus « haut niveau » que l’épisode (i.e. une dichotomie sur la base du degré d’abstraction des connaissances, Tulving, 1972). En d’autres termes, le traitement catégoriel implique plutôt un appariement entre un stimulus à traiter et les exemplaires en mémoire.

De plus, nous avons brièvement évoqué le fait que la probabilité de catégoriser un item puisse être déterminée par un appariement sur une propriété unitized (Goldstone, 2000 ; Goldstone et al., 2004, voir simulateur de propriétés, Barsalou, 2005) ou être déterminée par un appariement sur un ensemble d’exemplaires suffisamment similaires (Nosofsky, 1986 ; 1991, voir simulateur de concepts, Barsalou, 2005). Cette flexibilité apparente de l’encodage et de la récupération en mémoire sera un point crucial dans le développement des chapitres suivants.

Un point important, que nous n’avons pas évoqué lors de ce chapitre, est la question de la conscience associée à « l’apprentissage » de la catégorie (pour un questionnement similaire à l’aide du paradigme AGL23, voir Scott & Dienes, 2008). En effet, certains modèles supposent que l’apprentissage de catégorie (et par conséquent sa représentation en mémoire) puisse être supporté par plusieurs systèmes : un système implicite et un système explicite (e.g. le modèle COVIS, Ashby et al., 1998 ; pour une revue voir Ashby & Maddox, 2005).

Le modèle COVIS (COmpetion between Verbal and Implicit Systems) est un modèle neuropsychologique qui suppose l’existence de deux sous-systèmes de mémoire indépendants (i.e. implicite et explicite). Selon ce modèle, chacun des sous-systèmes sera capable d’acquérir de l’information catégorielle tout en étant en compétition. En d’autres termes, l’information catégorielle sera tributaire du sous-système implicite lorsque les règles de catégorisation sont non-verbalisables (e.g. tâches de temps de réaction sérielle ou plus largement les tâches intégratives selon Ashby & Maddox., 2005) ou plus largement lorsque l’apprentissage est non-supervisé. En revanche, lorsque l’apprentissage est supervisé ou lorsque la règle de catégorisation est clairement verbalisable, l’information catégorielle sera alors tributaire du sous-système explicite et ce même en cas de conflit avec une autre règle de catégorisation non verbalisable. Les notions d’indépendance et de compétition ont été évaluées à l’aide de la clinique des patients Parkinsoniens (Ashby et al. 1998) et de dissociations expérimentales (Ashby & Maddox, 2005).

A partir de nos expériences (Brunel et al., 2009a ; 2009b ; 2010 ; en révision a) nous ne pouvons directement critiquer cette modélisation, cependant elle nous permet d’introduire le prochain chapitre qui s’intéressera à l’émergence des connaissances à la conscience.

Notes
23.

Artificial Grammar Learning