Des Modèles de reconnaissance basés sur des notions de TDS

Suivant une définition minimaliste, la reconnaissance peut être considérée comme une activité qui consiste à détecter un signal parmi du bruit. Nous n’aborderons dans ce point que le cas de la reconnaissance d’items seuls, et pas d’autres formes de reconnaissance comme la reconnaissance associative, la reconnaissance de la source (pour une revue sur l’activité de reconnaissance, voir Malmberg, 2008).

Nombreux auteurs (e.g. Jacoby, Thot & Yonelinas, 1993 ; Yonelinas, 1994) ont alors adopté la TDS pour caractériser l’activité de reconnaissance. La probabilité de répondre « ancien31 » ou « nouveau32 » est déterminée par deux fonctions gaussiennes de variance égale définies par deux paramètres (i.e. la moyenne et la variance). La force d’un item est alors représentée comme une valeur le long d’une unique dimension continue (voir Figure 20). Un indice de discrimination en mémoire est alors donné en fonction du chevauchement entre les courbes gaussiennes (respectivement «nouveau » et « ancien »). De plus, lorsque l’activité de reconnaissance est associée à une mesure qualitative (i.e. degré de certitude associé à chaque réponse « ancien » et « nouveau »), chaque niveau de certitude correspond à un seuil qui détermine la probabilité de discriminer un item pour chacun d’eux.

Figure 20 : Illustration de la TDS appliquée à la reconnaissance ou chaque réponse est associée à un degré de certitude (1 « sûr nouveau » et 6 « sûr ancien ») d’après Yonelinas (1994).
Figure 20 : Illustration de la TDS appliquée à la reconnaissance ou chaque réponse est associée à un degré de certitude (1 « sûr nouveau » et 6 « sûr ancien ») d’après Yonelinas (1994).

Quelles que soient les approches que nous décrirons, toutes supposent que la distribution gaussienne associée aux items nouveaux est nécessairement centrée réduite (). Les modèles divergent donc au niveau des paramètres de la distribution gaussienne associée aux items nouveaux ainsi que sur l’existence ou non d’un seuil de reconnaissance. Il existe alors trois grandes catégories de modèles de reconnaissance (pour une revue voir Yonelinas & Park, 2007) : des modèles uniquement basés sur l’existence d’un seuil, des modèles basés uniquement sur des notions de TDS, et des modèles hybrides. Pour des raisons de simplicité, nous ne traiterons pas des modèles à seuil 33, mais des deux autres types de modèles. De plus, au niveau des modèles basés directement sur des notions de TDS nous n’évoquerons en détail que les modèles USVD et pour les modèles hybrides que les modèles DSPD – HT.

unequal variance signal détection model (UVSD, see Wixted, 2007) – Les modèles UVSD supposent un processus unique (i.e. single process) lors de l’activité de reconnaissance et sont directement basés sur l’application de la théorie de la détection du signal. Ils sont cohérents avec les modèles basés sur un processus d’appariement global qui proposent que la force d’un item cible ou d’un indice est fonction de sa similarité avec les informations pertinentes encodées en mémoire (e.g, Berry, Shanks & Henson, 2008). On parle de modèle à variance inégale car le modèle prédit que, du fait de leur récente préexposition, la distribution des items anciens a une variance différente de celle des items nouveaux (). En d’autres termes, la distribution des items anciens n’est pas une distribution centrée réduite (contrairement au modèle EVSD34). Cependant, les modèles UVSD ne spécifient pas pourquoi (et comment) exactement la distribution des items anciens diffère de celle des nouveaux. Les principes de variabilité à l’encodage sont parfois évoqués pour expliquer ce phénomène (e.g. Hilford et al., 2002; Wixted, 2007). Pour Wixted (2007), les travaux expérimentaux obtenus en reconnaissance d’items (voir aussi en reconnaissance associative, mémoire de la source, paradigme RK) sont clairement en faveur des modèles USVD. A noter que dans ces modèles, l’expérience de conscience (i.e. en particulier les expériences de type recollective 35) associée à la récupération est nécessairement un produit dérivé de la force des items en mémoire (Donaldson, 1996) et du degré d’appariement entre les items cibles et les items (ou trace) en mémoire (Arndt, 2010).

Dual process Signal détection/ High threshold (DPSD- HT, voir Wixted, 2007) – Les modèles DPSD-HT sont des modèles hybrides reposant à la fois sur des notions de TDS (i.e. une variance égale entre les distributions « ancien » et « nouveau » comme dans les modèle ESVD) et des notions de seuil élevé de reconnaissance. Chaque processus de récupération est alors caractérisé par une notion spécifique. En ce sens, le processus de familiarité refléterait un processus continu et pourrait donc prendre plusieurs valeurs (comme dans les modèles ESVD), alors que la recollection serait un processus caractérisé par un seuil (puisque tous les items ne sont pas récupérés avec des détails contextuels) au-delà duquel l’item est récupéré avec des détails contextuels (Yonelinas et al., 1998 ; voir Yonelinas, 2002 pour une distinction plus fine entre les conceptions de Jacoby et de Yonelinas au niveau des processus de familiarité et de recollection). Dans ces modèles, l’expérience de conscience associée à la récupération d’un item est très clairement tributaire de deux processus indépendants.

Pour la plupart des modèles dual-process et en particulier les modèles DPSD-HT, l’activité de reconnaissance (généralisable à l’ensemble des phénomènes de récupération) est basée sur deux processus différents et indépendants. Il existerait des réponses basées uniquement sur le processus de familiarité et, inversement, des réponses basées uniquement sur le processus de recollection. Ces modèles considèrent alors qu’il existe deux seuils de décision différents associés à chacun de ces processus (dans le cas du modèle de Yonelinas, un seuil continu pour la familiarité et un seuil fixe pour la recollection). Alors que dans les modèles UVSD, l’activité de reconnaissance est basée sur un seul processus pouvant faire intervenir une ou plusieurs sources d’informations différentes combinées dans un seul seuil de décision (e.g. Hintzman, 2001)36. La question cruciale est alors de savoir, comment départager ces deux conceptions37? Nous présenterons alors des analyses directement issues des conceptions de TDS : les analyses ROC et zROC. Dans ce cadre, elles sont des outils puissants pour évaluer l’influence de facteur expérimentaux sur l’activité de reconnaissance mais sont censées aussi être capables de départager les approches UVSD et DSPD-HT (pour une revue voir Yonelinas & Park, 2007).

Notes
31.

Une réponse correcte sera labellisée HIT et une réponse incorrecte FA (fausse alarme ou fausse reconnaissance, voir chapitre 4)

32.

Une réponse correcte sera labellisée RC (i.e. réjection correcte) et une réponse incorrecte O (i.e. omission)

33.

A noter que les modèles GCM, SAM, SIMPLE & MINERVA 2 définissent la reconnaissance comme une activité à seuil.

34.

Equal variance signal détection (ESVD, voir Glanzer, Hilford & Kim, 2004 ; Hilford et al., 2002 ; Yonelinas & Park, 2007)

35.

Les expériences recollectives se caractérisent par la récupération de détails contextuels associés à l’item.

36.

D’après Dunn (2008), on peut alors respectivement parler de modèle bidimensionnel ou unidimensionnel.

37.

Pour une revue des arguments empiriques en faveur des approches supportant deux processus de récupération indépendants, voir Yonelinas, 2002.