Conclusion

L’objectif de ce chapitre était de : 1) Présenter 2 approches concurrentes au sein des approches non-abstractionnistes (et par là même critiquer une approche abstractionniste et multisystémique) explicatives d’une dissociation robuste entre les phénomènes conscients et inconscients de mémoire ; 2) Présenter en quoi notre modèle est pertinent pour l’explication d’une telle dissociation.

En effet, dans les trois premiers points de ce chapitre nous avons traité de l’explication théorique des dissociations expérimentales (notamment entre des niveaux de conscience associée à la récupération) et d’une tâche particulière censée départager les approches théoriques : la reconnaissance d’items seuls. Nous sommes arrivés à la conclusion que la tâche de reconnaissance d’item seul (en particulier les analyses ROC et zROC associées à ce type de tâche) n’est pas suffisante pour départager des conceptions basées sur l’intervention de deux processus de récupération indépendants (e.g. la familiarité et la recollection) ou des conceptions basées sur l’intervention d’un seul processus (e.g. un processus d’appariement global). A noter que, dans ce chapitre, nous avons uniquement discuté de la reconnaissance d’item seul en mémoire. Or, il est maintenant courant d’associer à la reconnaissance d’item seul (e.g. un mot), une reconnaissance de la source (e.g. une source A ou B) afin de départager les approches théoriques. Mais une fois encore, les interprétations des résultats divergent entre les tenants d’une position basée sur un seul processus (e.g. voir Slotnick & Dodson, 2005 ; Wixted, 2007) et les tenants d’une position basée sur deux processus (voir Yonelinas et Park, 2007 ; Meiser et al., 2008).

Dans les deux points suivants du chapitre, nous avons traité de la pertinence de suggérer une émergence dans le processus de récupération et plus particulièrement dans l’expérience phénoménologique de conscience associée à la récupération. Elle peut alors être définie comme une intégration des activations réciproques de chacune des dimensions constitutives des traces lors du traitement d’un indice. L’expérience de conscience est inscrite sur un continuum et est un produit d’une dynamique d’activation et d’intégration lors de la récupération. D’une manière générale, cette récupération est alors tributaire à la fois des contraintes de la tâche en cours (i.e. nature de l’indice, degré d’intégration) et de l’état de la trace au moment de la récupération (i.e. sa force et sa distinctivité).

Lors de l’encodage, la force de la trace est alors définie à la fois par le poids de la relation entre les composants et par le nombre de ces composants au sein de la trace. En d’autres termes, la force d’une trace est tributaire du processus d’intégration mnésique à l’encodage (voir chapitres 1 et 5). De plus, la force d’une trace se définit également à la récupération en fonction de la probabilité qu’a l’indice d’activer (i.e. diffusion inter ou intra) les composants de la trace.

L’état de distinctivité d’une trace est souvent un état temporaire et se caractérise par une modification de la distribution des traces en mémoire (i.e. notion de distance dans l’espace psychologique, voir chapitre 2 ; voir aussi Nairne, 2006). De ce fait, l’état de distinctivité de la trace réduit le nombre de traces compétitrices pouvant être activées par l’indice, ce qui permet au contenu de la récupération (i.e. intégration des activations) d’être accompagné d’un niveau de conscience élevé.

À noter que dans ce chapitre, la question de l’efficacité n’était pas cruciale. En effet, nous verrons dans le chapitre suivant que le sentiment de conscience associée à la récupération n’est en aucun cas un indice de l’efficacité du traitement (i.e. une réponse adéquate). C’est notamment le cas dans certaines erreurs de mémoire, pour lesquelles le contenu de la récupération peut être erroné et pourtant associé à un fort niveau de conscience (e.g. Roediger & McDermott, 1995). Cela signifie que les mécanismes que nous avons décrits comme participant à l’émergence des connaissances peuvent produire des erreurs. En cela, le dernier chapitre traitera directement de la question de l’efficacité mnésique et de l’apport de cette question à notre modèle.