Activation interactive : Diffusion intra-trace et inter-traces

L’activation est nécessairement interactive (voir chapitre 1) parce que le traitement (mnésique ou perceptif) d’une propriété est capable de simuler (activer) une autre propriété dans la même modalité ou dans une modalité différente. En retour, cette propriété simulée est capable de modifier le traitement en cours ou à venir (voir Brunel et al., 2009a ; 2010 ; Riou et al. en révision ; Vallet et al., sous presse ; soumis ). En d’autres termes, la simulation multimodale est nécessairement sous-tendue par une diffusion de l’activation au sein des traces (i.e. une diffusion intra-trace) alors que la simulation unimodale est nécessairement sous tendue par une diffusion d’activation entre les traces (i.e. une diffusion inter-traces). Afin de rendre compte de l’efficacité dans les tâches catégorielles et discriminantes, nous avons ainsi ajouté deux notions clés au modèle : la diffusion d’activation intra-trace et inter-traces.

Pour plus de simplicité et pour illustrer ces deux types de diffusions, nous utiliserons une représentation de la mémoire de nouveau basée sur celle de MINERVA 2 (Hintzman, 1986 ; 1988). Dans cette modélisation, la mémoire est représentée sous la forme d’une matrice à deux dimensions avec une couche d’entrée et de sortie. Chaque ligne de la matrice correspond à une trace mnésique et chaque colonne à une propriété (ou primitive). Pour chaque trace, une propriété est codée en fonction de son absence, sa présence ou sa pertinence. Lorsque le modèle reçoit en entrée un indice (i,e, la sonde), une activation interactive s’opère, c’est-à-dire à la fois une diffusion de l’activation entre les propriétés de l’indice et les propriétés des traces de la matrice (i.e. une diffusion inter-traces) donnant une valeur d’activation à chacune des propriétés, mais aussi une diffusion de l’activation entre les propriétés activées par l’indice et les autres propriétés au sein des traces (i.e. une diffusion intra-trace). Ces valeurs d’activation sont ensuite sommées (i.e. intégrées) et le résultat ainsi obtenu donnera à la fois la probabilité de répondre et le contenu de ce que Hintzman appelle l’écho.

Nous proposerons donc que ces deux types de diffusion d’activation interviennent en parallèle et soient en compétition pour déterminer le contenu de la récupération53. Outre le fait qu’ils dépendent de la nature de l’indice et par conséquent du type de test de mémoire, ces deux types de diffusion d’activation seraient dissociables au niveau des effets qu’ils produisent à la récupération. En effet, nous avons pu mettre en évidence, lors de la récupération, des effets de généralisation et de discrimination clairement tributaires du type de diffusion d’activation (Brunel et al., 2009 b; en révision a). L’indice à traiter est généralisé (i.e. assimilé aux autres exemplaires de la catégorie) lorsque le contenu de la récupération est déterminé préférentiellement par une diffusion inter-traces. En revanche, l’indice à traiter est discriminé lorsque le contenu de la récupération est préférentiellement déterminé par une diffusion intra-trace. En d’autres termes, si la récupération est avant tout déterminée par une diffusion inter-traces (et une limitation de la diffusion intra-trace), le contenu de cette première aura un fort niveau d’abstraction. A l’inverse, si la récupération est avant tout déterminée par une diffusion intra-trace (et une limitation de la diffusion inter-traces), le contenu de cette première a un fort niveau de spécificité (i.e. correspond à une trace unique). On comprend alors que la diffusion inter-traces puisse être une source d’efficacité dans le traitement catégorielle et la diffusion intra-trace dans les activités discriminantes.

De plus, cette compétition est alors clairement tributaire des conditions d’encodage et plus particulièrement : a) de la distribution des traces en mémoire (i.e. chevauchement entre les traces, Nairne, 2006 ; voir la distinctivité, chapitre 3 ; les effets de généralisation & discrimination, chapitre 2); b) de la force d’intégration entre les composants au sein de la trace (voir la force, chapitre 3).

Notes
53.

Ici se situe la principale différence avec MINERVA 2 où, dans le modèle, l’indice active des traces en mémoire en fonction de la similarité entre les propriétés des traces et celles de l’indice (i.e. intensité de l’écho). En retour, l’activation d’une trace est distribuée sur chacun de ses composants, et ces activations au niveau des composants sont sommées entre les traces pour déterminer le contenu de la récupération (i.e. l’écho)