Introduction générale

Alors qu’elle a longtemps relevé du tabou, la question de la rémunération des dirigeants de grandes sociétés cotées ne cesse d’alimenter des polémiques depuis la fin des années 1990. Signe des temps, de nombreux ouvrages « grand public » ont paru sur le sujet (Porquet, 2005 ; Aimar, 2007 ; Bonazza 2007 et 2008 ; Lainé, 2008), le plus souvent pour dénoncer les diverses composantes du « package » des rémunérations patronales (cf. encadré 1), présentées comme autant de « privilèges » pour une minorité de « dirigeants-superstars » (Malmendier, 2009) quand ce n’est pas comme les éléments d’un « butin » qui s’entasseraient dans la « caverne d’Ali Baba » (De Closets, 2006).Un vent d’indignation morale parcourt ainsi nos sociétés au sujet de ces « patrons en or », dont les sources de revenus suscitent d’autant plus de commentaires et de critiques quand la « rigueur » est promise au reste de la population dans le contexte actuel de crise économique… Et le fossé de se creuser parallèlement entre le « pays » et ses « grands patrons », l’impression générale étant que ces derniers abusent de leur autorité dans l’entreprise pour satisfaire des penchants égoïstes : «  jamais le fossé n'a paru aussi profond entre le pays et ses grands patrons. Au banc des accusés, pour leurs rémunérations mirobolantes , leur obsession du cours de Bourse, leur indifférence au mal-être de leurs salariés, voire leur incompréhension, ils sont aussi perçus comme les membres d'un petit club de privilégiés , plus soucieux de défendre leurs propres intérêts que ceux de la collectivité  » (L’Express, 25 mars 2010, nous soulignons).

Encadré 1 - Les composantes de la rémunération des dirigeants
Encadré 1 - Les composantes de la rémunération des dirigeants

La multiplication des caricatures sur le sujet, qui nous présentent des dirigeants obnubilés par l’argent et entretenant de nouvelles formes de « mammonisme », est assez remarquable de ce point de vue (cf. ci-dessous). Par rapport à l’image d’une entreprise censée être orientée vers le bien collectif, celle qui avait cours durant la période du capitalisme « fordien » et/ou « technocratique » (Gomez, 2001 ; Gomez et Korine, 2009), c’est le signe que les dirigeants sont aujourd’hui suspectés de se comporter non plus tellement comme des « gestionnaires » responsables, mais plutôt comme des « rentiers » qui participeraient de ce « triomphe de la cupidité » dont parle Stiglitz (2010). Pour nous, ce constat initial joue néanmoins comme un appel à la prudence car, dans des sociétés démocratiques façonnées par le jeu des médias (Muhlmann, 2004), c’est là une interprétation qui suscite quelques interrogations, notamment parce que l’on ne sait même pas quel est précisément le problème qui se pose en la matière.

Dessin 1 - Des dirigeants caricaturés pour leur cupidité : une illustration
Dessin 1 - Des dirigeants caricaturés pour leur cupidité : une illustration On doit cette illustration à Scott Adams, célèbre dessinateur américain de bandes dessinées et auteur de nombreuses critiques du monde de l’entreprise et de satires sociales.
Notes
1.

On doit cette illustration à Scott Adams, célèbre dessinateur américain de bandes dessinées et auteur de nombreuses critiques du monde de l’entreprise et de satires sociales.