Section 3. Les acteurs en miroir : l’éthique marchande pour horizon

Dans les deux précédentes sections de ce chapitre, nous avons présenté la structure logique du modèle économique libéral. Notre premier objectif était d’insister sur le fait que ce dernier considère l’opportunisme des individus et, plus spécialement, l’opportunisme du dirigeant, comme un moteur de l’action humaine qui risque de pénaliser l’entreprise dans son entièreté si rien fait n’est pour le réguler. Le second, de montrer que cette régulation passe par la mise en place d’une architecture disciplinaire devant permettre au marché d’exercer ses pressions jusque dans l’entreprise ; ce qui est, du même coup, censé garantir la justesse d’un système de rémunération des dirigeants fondé sur un principe de sélection des « meilleurs dirigeants ». Aussi, pour tenter d’expliquer l’existence de la controverse publique sur le sujet, une première hypothèse peut donc être posée : cette démonstration libérale est rigoureuse mais les acteurs de la controverse l’ignorent. Pour valider ou non cette hypothèse, nous nous intéressons, dans cette troisième section, à la manière dont ces derniers réfléchissent les questions relatives à la rémunération des dirigeants pour savoir si les polémiques sur le sujet sont dues, ou non, à leur « inculture économique ». Nous montrons que la manière dont ils problématisent la question laisse à penser que ce n’est pas le cas (3.1) ; de même que les solutions qu’ils envisagent pour répondre à l’impératif de justification de la rémunération des dirigeants, au sens où les acteurs font au moins implicitement référence à la structure logique du modèle pour articuler leurs revendications sur le sujet (3.2). Ce constat nous permet de rejeter l’hypothèse d’ignorance des acteurs en conclusion de ce chapitre.