Chapitre 4.
Rémunération des dirigeants : de la justesse à la justice

Résumé du chapitre

Les difficultés que rencontrent les théoriciens libéraux dans leur analyse de la rémunération des dirigeants sont d’autant plus cruciales qu’ils fondent leur modèle de justice dans un ordre d’immanence et non pas de transcendance. Par là-même, ces derniers se voient exposés au fait que l’affirmation de l’égalité comme valeur centrale des sociétés libérales « désacralisées » est un incessant facteur de troubles sociaux, au sens où elle tend à exacerber les problèmes de justification des inégalités sociales. Dans ce cadre, seule la profonde croyance des théoriciens libéraux dans leur capacité à résoudre les contradictions libérales observées dans le chapitre précédent peut compenser les problèmes de justification posés par certains montants et/ou pratiques de rémunération des dirigeants, ce qui ressemble fort à une « eschatologie libérale », au sens où la réalisation du pacte social libéral se voit ainsi renvoyée dans un futur plus ou moins proche.

En miroir, nous montrons que ces ressorts cachés de la pensée libérale permettent d’expliquer pourquoi les acteurs de la controverse ne se détournent pas d’un modèle dont ils connaissent pourtant les limites. Car leur fidélité est effectivement le revers du fait qu’ils sont, comme les théoriciens libéraux, pénétrés de ce sentiment selon lequel les « promesses » du libéralisme peuvent être réalisées en matière de rémunération des dirigeants, à condition toutefois de se montrer vraiment libéral.