Chapitre 5.
Rémunération des dirigeants et demande de justice : une interprétation girardienne

Résumé du chapitre

Les déceptions normatives que vivent les acteurs de la controverse sur la rémunération des dirigeants ne les empêchent pas de penser que les promesses du libéralisme puissent être un jour réalisées. Cette croyance est le revers d’un désir de justice qui se fait d’autant plus fort que sa « valeur » augmente à mesure que son absence se fait sentir, suivant une logique très bien décrite par René Girard. Ce mécanisme permet d’expliquer pourquoi c’est autour et par le(s) scandale(s) que la controverse publique se structure ; le scandale se présentant comme un évènement autour duquel se cristallise cette ambiguïté d’un désir de justice des acteurs qui est toujours à la fois ce qui les relie et ce qui les oppose. 

Comme par une ruse de la raison, nous montrons, en miroir, que la justice se présente alors comme un incessant motif de disputes qui signe le règne de la dénonciation de l’injustice comme expression de la justice. Au final, c’est ainsi que la « bouc-émissarisation » régulière de certains dirigeants emportés dans des scandales devient une « solution » à la controverse, non pas du point de vue de la justice, qui reste « introuvable », mais en ce qu’elle permet de rétablir un semblant d’ordre et d’unanimité dans une société libérale traversée par ses propres contradictions.