1.1. Un désir de justice illusoire ?

Dans un monde qui fait de l’enrichissement personnel la récompense première du mérite économique (Galbraith, 2004), nous avons montré que la rémunération des dirigeants est très souvent présentée comme relevant d’un privilège exorbitant. Cela n’est guère surprenant si l’on admet que certaines « révélations » sur le sujet ont de quoi nourrir le sentiment que les dirigeants ont le pouvoir d’échapper à cette norme de justice commune selon laquelle il est « juste de rendre à chacun ce qu’on lui doit »57. À cet égard, l’ampleur de la controverse sur la rémunération des dirigeants semble réfléchir l’ambivalence du « désir de justice » des acteurs ; dont la réalisation appelle à une combinaison entre la hiérarchie et l’égalité (1.1.1), qui est particulièrement problématique lorsqu’il n’y a guère de point fixe à l’horizon duquel on puisse dire « combien fait trop » en matière de rémunération des dirigeants (1.1.2).

Notes
57.

Formule que l’on doit au poète grec Simonide et qui se voit exprimée dans les deux préceptes qui sont au fondement du droit : « suum cuique tribuere » (donner à chacun ce qui lui revient) et « neminem laedere » (ne léser personne), voir Höffe et Merle (2005).