Section 3. Rémunération des dirigeants et justice sociale : le défi de l’impossible ?

Dans la première section de ce chapitre, nous avons rappelé que les « demandes de justice » que formulent les acteurs sont difficiles à satisfaire dans l’univers des sociétés libérales, qui pour faire grand cas des questions relatives à la justice ne se voient pas moins exposées au (problématique) gouvernement de l’Opinion. Par rapport à la problématique de la justification de la rémunération des dirigeants, nous avons montré ensuite, dans la perspective des travaux de René Girard, que la multiplication des scandales sur le sujet est une conséquence logique de cette difficulté, l’incapacité des acteurs de la controverse à s’entendre positivement sur le juste les conduisant à mettre en scène ce qui apparemment ne l’est pas. Après avoir exposé la logique interne de ce phénomène, nous pouvons néanmoins nous demander si ces derniers ne courent pas, par-là même, après un idéal de justice qui serait tout simplement impossible à atteindre, le scandale étant un évènement particulièrement ambivalent sous ce rapport. Sur la base des observations empiriques que nous avons faites dans les précédents chapitres66, nous commençons, pour ce faire, par montrer que si les scandales ont pour principale « vertu » de rendre les contradictions libérales visibles, ils ont aussi pour contrepartie de faire reposer sur les épaules de quelques dirigeants seulement l’incapacité de tous à régler la question de la « juste rémunération des dirigeants » (3.1). Des boucs émissaires sont alors sacrifiés sur l’autel de la justice, ce qui permet, certes, de ramener un semblant de la calme à l’intérieur du dossier, mais ce qui ne règle en rien le problème de la juste rémunération des dirigeants (3.2). Ce qui nous permet de conclure ce chapitre en validant l’hypothèse selon laquelle les acteurs sont incapables d’obtenir autre chose qu’un semblant de justice à travers la dénonciation des scandales, justice dont le caractère punitif et expéditif révèle l’aspect chimérique de leur quête.

Notes
66.

 Dans cette section, nous ne faisons pas de nouvelles opérations de comparaison de sous-corpus comme cela a été fait précédemment, notre objectif, ici, étant d’utiliser les acquis des chapitres 2, 3 et 4 pour interroger le sens de cette structuration de la controverse publique autour des scandales.