1.2.1 La naissance d’un groupe social vue à travers la « vie hors travail »

La production sociologique sur les classes moyennes développée dans les années 1980 naît des profondes transformations de la structure sociale des Trente Glorieuses : les progrès technologiques, l’expansion économique, le développement de l’Etat providence entraînent le développement de nouveaux secteurs d’activité, la progression du salariat, l’apparition ou le renouvellement de certaines professions. Ils provoquent également des mouvements de mobilité structurelle importants, renforcés par la massification de l’accès à l’enseignement supérieur, ainsi que l’émergence de systèmes de valeurs inédits dont la visibilité éclate au printemps 1968. Cadres moyens et supérieurs, professions intellectuelles supérieures, techniciens, professions intermédiaires de la santé, du travail social, de la culture, de l’aménagement sont en expansion numérique et renouvellent les pratiques tant dans les entreprises et l’appareil d’Etat que dans l’espace public et sur la scène politique, suscitant le désarroi chez des sociologues encore largement imprégnés de théorie marxiste37. Dans un premier temps, les sociologues marxistes s’emparent de la question et « se débattent » avec ce nouveau groupe de salariés en expansion. Arrimés au schéma bipolaire, ils s’attachent à l’étude précise de leurs tâches et de leurs places dans les rapports de production afin de saisir auquel des deux pôles, prolétaire ou bourgeois, les rattacher. Pour les uns, il s’agit d’une nouvelle élite ouvrière (Mallet, 1963 ; Touraine, 1968) ; pour les autres ce sont des nouveaux « petits bourgeois » (Baudelot, Establet, Malemort, 1974 ; Poulantzas, 1974). Des enjeux politiques se mêlent aux considérations scientifiques, qui peuvent expliquer que les chercheurs fassent « basculer » les groupes situés dans des positions moyennes d’un côté ou de l’autre38. En tout état de cause, on leur dénie le statut de classe sociale à part entière et le schéma d’analyse de la société reste bipolaire (Bidou, 1984).

Ce débat sur l’existence et l’identité des classes moyennes recouvre en fait d’emblée une seconde question : faut-il prendre en considération les éléments de la vie hors travail pour caractériser ces groupes sociaux, ou faut-il s’en tenir à l’analyse de leur place dans les rapports sociaux de production ? Les travaux marxistes évoqués restent focalisés sur la position dans l’espace du travail et cette perspective est un choix délibéré39. L’analyse de la vie hors travail est vigoureusement rejetée. C’est que celle-ci donne des signes d’homogénéisation et trouble les divisions de classes, donnant des arguments aux tenants de la moyennisation qui « remettent en question la centralité de la contradiction du rapport au travail dans la conflictualité sociale […] et, partant, le rôle historique de la classe ouvrière dans le changement social » (Bacqué et Vermeersch, 2007, p. 17). Henri Mendras substitue ainsi à l’idée d’une inégalité des niveaux et des modes de vie celle d’une différenciation horizontale des pratiques au sein d’une « constellation centrale » de plus en plus vaste (Mendras, 1980, 1988). Les sociologues marxistes, refusant de croire que l’avènement de cette « société de consommation » allait estomper les grands clivages sociaux et faire disparaître les anciennes classes sociales choisirent alors de dissocier l’ordre du travail et de la vie professionnelle de l’ordre de la consommation et de la vie privée, déniant à cette dernière toute signification sociologique pouvant remettre en cause les oppositions perçues dans la première40. Hormis le fait de mener à des conclusions contradictoires d’un auteur à l’autre quant à l’identité de ces couches moyennes, cette approche eut le défaut d’en appauvrir l’analyse, puisque étaient mises de côté des caractéristiques qui leur étaient pourtant tout à fait spécifiques relevant de la vie « hors travail » (les rapports à l’institution scolaire et à la mobilité sociale, la participation à des mouvements sociaux hors du monde du travail, l’innovation dans les pratiques culturelles et dans les modèles familiaux, etc.). Pierre Bourdieu dépasse cette opposition entre prise en compte ou non de la sphère hors travail : en centrant l’approche sur les clivages socioculturels, il renouvelle profondément l’approche bipolaire. Mais il en partage le diagnostic principal : il n’existe pas de véritable classe moyenne, notamment car les « petits bourgeois » qui pourraient la composer ne font preuve d’aucune autonomie culturelle et politique (Bourdieu, 1979)41. C’est donc sur ce point que va se concentrer la « contre-attaque » des tenants de la constitution des « nouvelles couches moyennes salariées », avec la mise en lumière d’un « modèle culturel » autonome qui s’exprime, entre autres, par de nouvelles pratiques résidentielles.

La question de l’identité culturelle et politique de cette nébuleuse constitue la pierre de touche des débats animés de la première moitié des années 198042. Un article d’Etienne Schweisguth consacré à l’analyse des comportements électoraux de ces couches sociales permet l’émancipation de la figure de la « petite bourgeoisie » bourdieusienne culturellement et politiquement dominée (Schweisguth, 1983). L’auteur montre en effet l’existence d’un discours idéologique autonome qui semble permettre « à cette catégorie sociale d’acquérir le sentiment de son identité et de se constituer en acteur social autonome » (ibid., p. 679-680). Il contribue ainsi, avec la présentation en français des travaux de B. et J. Ehrenreich et d’A. Gouldner (Dagnaud, 1985), à l’élaboration de la figure des « nouvelles couches moyennes salariées », qui s’autorise à saisir cet ensemble social en tenant compte de ses pratiques hors de l’espace du travail sans pour autant déclarer inopérant le concept de classe sociale.

Un groupe de chercheurs, ne partageant pas tous les mêmes affiliations théoriques mais convaincus de l’intérêt de cette perspective, étudie alors ces « couches moyennes salariées » françaises aussi bien à travers certaines professions nouvelles (B. Duriez, M. Dagnaud, D. Mehl, J.-P. Tricart) que dans leurs mobilisations associatives et syndicales (J. Ion), dans leurs rapports aux politiques publiques (M. Pinçon-Charlot) ou encore à travers certains lieux d’habitation et de vie quotidienne qu’elles semblent particulièrement investir (C. Bidou). Dans leur rapport collectif (Bidou et al., 1983), ils font ainsi apparaître des « couches moyennes salariées » qui occupent une position propre et autonome dans la structure sociale tout en étant prises dans des rapports de pouvoir et de domination. Catherine Bidou prolonge ce travail dans Les aventuriers du quotidien (1984), où elle brosse un portrait de ces cadres moyens et supérieurs de la santé, de l’éducation ou du secteur socioculturel, en décrivant leurs trajectoires socioprofessionnelles et leur conscience sociale, la façon dont ils éduquent leurs enfants et celle dont ils se représentent l’avenir, ainsi que les rapports qu’ils entretiennent à leur espace résidentiel. Ce dernier volet occupe une place de choix dans l’ouvrage : l’auteure montre que ces ménages surinvestissent le quotidien et le local à travers leurs pratiques « hors travail », c'est-à-dire principalement dans l’espace résidentiel (au sens large : espace domestique, espace social du quartier, associations, jeu politique local, écoles, etc.). En effet, alors que l’espace social du travail est déjà fortement occupé et polarisé, le local et certains espaces en particuliers se présentent comme de bons « espaces mous », peu appréhendés par d’autres groupes sociaux. Leurs rapports sociaux au temps et à l’espace, qui les distinguent des autres groupes sociaux, s’incarnent dans les quartiers anciens populaires de centre-ville et les « nouveaux villages » périurbains. En menant une partie de son enquête dans le quartier d’Aligre dans le 12e arrondissement de Paris, Catherine Bidou « rencontre » ainsi un quartier en gentrification et l’appréhende comme un espace physique et social investi et mobilisé – ne serait-ce que dans un registre symbolique –, ces investissements contribuant à la constitution de ce groupe social et de son « modèle culturel » propre.

A la même période, une deuxième opération de recherche conduit des sociologues à se pencher sur d’autres quartiers anciens en cours de revitalisation, en proposant une analyse localisée de la « stratification » et du changement social. Elle s’inscrit également dans le renouvellement post-marxiste de la sociologie à travers un mouvement de « retour au local »43. De façon générale, l'émergence ou la réaffirmation des identités locales ou régionales et de leur mobilisation touche à cette époque autant les chercheurs que les populations étudiées. Les gentrifieurs (mais aussi les périurbains et les néo-ruraux) du début des années 1980, tout comme les sociologues qui les étudient, cherchent notamment à revaloriser, à côté de la position dans l’appareil de production, d’autres espaces d’appartenance, de socialisation, de construction de l’identité sociale, dont le quartier et plus généralement le lieu de résidence. Le mouvement est général et se manifeste dans l’idéologie de 68, dans le foisonnement des associations locales, dans les mouvements migratoires, dans la loi de décentralisation de 1982 et le développement des politiques locales. « Que l’on recherche à ce niveau « local » ou « micro-local » une convivialité disparue, une identité fortement ébranlée par la croissance, un pouvoir à prendre pour s’opposer au pouvoir central, le résultat est le même : le local est devenu – ou redevenu – un enjeu – mais plus seulement pour les notables traditionnels » (Benoit-Guilbot, 1983, p.121).

L’action thématique programmée « Observation continue du changement social et culturel » (OCS) est mise en place par le CNRS en 1977 dans cette optique. Ce programme de recherche regroupe deux cents chercheurs de disciplines différentes et d’orientations théoriques contrastées étudiant « les formes localisées du changement social » dans soixante localités (Collectif, 1986)44. Le socle commun de cette vaste entreprise de recherche est moins une problématique unifiée qu’un parti pris méthodologique : celui de replacer l’étude d’un phénomène dans une localité pour en comprendre l’agencement avec l’ensemble de la société, en évitant grâce aux comparaisons les généralisations naïves. La localité n’est plus considérée comme une chose passive, un lieu d’application de forces sociales antagonistes qui le dépassent, mais comme « un système dont les parties sont douées d’une certaine autonomie, qui ouvre le jeu et rend moins uniformes les résultats de leurs interactions » (Benoit-Guilbot, 1983, p. 121). Les phénomènes étudiés dans cette perspective sont par exemple les formes de sociabilité, les « groupes sociaux localisés », la « relocalisation » des pratiques dans le quartier de grande ville et dans le village rural, les associations à base locale, l’économie informelle, etc. Si les termes sont employés avec prudence, c’est que ce mouvement de « retour au local » passe bien sûr par une redéfinition de la localité45.

Parmi les « localités » étudiées, plusieurs sont des quartiers anciens populaires de centre-ville, et deux sont caractérisés par des processus de gentrification (encore une fois, sans que le processus soit à cette époque identifié comme tel) : le quartier Daguerre, dans le 14ème arrondissement de Paris, étudié par Sabine Chalvon-Demersay et Elisabeth Claverie (Chalvon-Demersay et Claverie, 1979 ; Chalvon-Demersay, 1983 ; Chalvon-Demersay, 1984) et le quartier des Pentes de la Croix-Rousse à Lyon, étudié par une équipe menée par Bernard Bensoussan et Jacques Bonniel (Bensoussan, Bonniel, 1979 ; Bensoussan, Bonniel et al., 1979 ; Belbahri et al., 1980 ; Bonniel, 1980 ; Bensoussan, 1982). Dans ces quartiers comme dans les villages périurbains, les observateurs de ce mouvement de retour au local rencontrent les « couches moyennes salariées ». Leur posture scientifique les conduit en effet à s’intéresser tout particulièrement à ces couches sociales, ce que l’un de ces chercheurs, Pierre Vergès, explique ainsi : « l’aspect « local » de la recomposition de la classe moyenne nous apparaît très central. Ne se constituant pas comme la classe ouvrière ou patronale de manière privilégiée à partir du rapport de production, elle est conduite à se définir à travers un ensemble de signes distinctifs, de pratiques sociales et culturelles, d’idéologie, de situation dans l’appareil économique » (Vergès, 1983, p. 230). A travers des comportements électoraux locaux (qui peuvent être très variés d’une localité à l’autre), par son insertion dans le tissu associatif « qu’elle crée pour asseoir sa notabilité », « par ses pratiques consommatoires auxquelles tendent à se référer bien des fractions de la classe ouvrière ou paysanne, par sa pratique culturelle et son idéologie qui norment de plus en plus les projets sociaux », elle élabore « un modèle social suffisamment consistant et localisé [qui] permet à de larges fractions de la population de se reconnaître et de s’identifier » (Vergès, 1983, p. 231). On retrouve dans cette perspective des éléments de l’analyse proposée par le groupe de Catherine Bidou et Monique Dagnaud. Certains auteurs de l’OCS et d’ailleurs vont cependant plus loin, annonçant une « crise de l'universalisme de la société industrielle » et un « changement de la place du travail dans la construction de l'identité sociale », contre Durkheim qui prédisait un effacement des divisions géographiques devant les spécialités professionnelles, et expliquant la mobilisation de l'appartenance territoriale par des individus ou des groupes comme « référence identificatrice ou comme base de mobilisation sociale et politique » (Chamboredon, Mathy, Mejean, Weber, 1984, p. 61)46.

Les membres de cette nouvelle couche sociale se caractérisent d’abord, comme ceux de la new class de Gouldner, par leurs diplômes, leurs filières d’études et leurs professions (emplois nouveaux ou renouvelés dans l’éducation, la santé, l’action sociale, la culture, l’urbanisme…), ainsi que par le décalage entre la possession d’un important capital culturel et la faiblesse du capital économique et du pouvoir de décision dans la sphère professionnelle. Les auteurs français insistent plus encore sur « la forme de leur trajectoire qui est, de fait, accidentée » (Chalvon-Demersay, 1984). Enfants des Trente Glorieuses, du développement de l’Etat providence et de la massification scolaire, ils sont pris dans un mouvement structurel de mobilité sociale ascendante et de mobilité géographique vers les grandes villes. Toutefois, ils ne trouvent pas toujours d’emploi à la mesure de leurs études en raison de l’inflation des titres et de la crise qui débute au milieu des années 1970. D’autres connaissent une mobilité descendante en raison de la faible reconnaissance des professions nouvelles qu’ils ont embrassées (Bensoussan, 1982 ; Remy, 1983). Cette mobilité à la fois géographique et sociale semble avoir pour conséquences une incapacité à se situer dans la hiérarchie sociale, une idéologie anti-hiérarchie et un déni de la pesanteur sociale (Bidou, 1984), « un sentiment de discontinuité idéologique et culturelle à l’égard de leur milieu familial, en même temps qu’une relative incertitude quant à leur identité sociale » (Chalvon-Demersay, 1984). Pour certains, on peut parler de « frustration » sociale à la fois individuelle (liée à des trajectoires sociales « inachevées ») et collective (ils restent collectivement dominés par une élite traditionnelle et cette frustration est renforcée par leur logique intellectuelle selon laquelle le monde devrait être gouverné par ceux qui possèdent le savoir – c'est-à-dire eux-mêmes) (Dagnaud, 1981). N’ayant en partage que l’absence d’une culture et d’un passé communs, ils tentent de « s’inventer comme groupe social » en investissant le quotidien et le local (Bidou, 1984), dessinant dans leur vie quotidienne, dans le logement et le quartier, les contours d’un « modèle culturel alternatif, porteur des valeurs de la modernité » (Chalvon-Demersay, 1984). Comment, concrètement, les quartiers anciens populaires sont-ils investis ? En quoi peut-on parler de gentrification ? Que permet « le recours au quartier » (Bensoussan, 1982) ?

Notes
37.

On peut lire par exemple : « Que signifie sociologiquement la croissance de ce groupe médian ? Est-elle compatible avec la représentation d’une société déchirée par le conflit de deux classes antagonistes ? Est-elle l’un des nombreux signes d’une transformation qualitative des sociétés industrielles ou plutôt le produit d’un travail idéologique et socio-politique visant à modifier le système des représentations et à occulter le conflit Capital-Travail ? Ces couches constituent-elles des fractions de la classe ouvrière et/ou de la classe dirigeante, ou fondent-elles au contraire une « nouvelle classe » qui se singulariserait non seulement par son mode de consommation, ses orientations culturelles et ses projets politiques, mais aussi par ses relations aux autres classes ? » (Bauer et Cohen, 1983, p. 285).

38.

C’est particulièrement le cas pour les tenants de la première option : il apparaît aujourd'hui que des choix implicites et idéologiques ont influencé les réflexions sociologiques. Ainsi, à l'époque, la gauche multiplie les discours pour rallier les catégories moyennes de plus en plus visibles dans les mobilisations syndicales : la CGT ouvre une section « Ingénieurs, techniciens, cadres », qui devient vite un enjeu ; pour le PCF, la classe dominante se réduit au pouvoir d’Etat, autorisant de ce fait à rallier les cadres et techniciens à la cause ouvrière ; le PS cherche également à élargir sa base sociale aux ingénieurs, techniciens et aux cadres. Les partis de gauche entament une réflexion sur les changements de rapports hiérarchiques au sein de l’entreprise, mais sans perspective autre que celle de la réfutation de la thèse de la moyennisation.

39.

Mallet dépouille ainsi la définition des classes sociales pour revenir à un unique critère, celui d’une situation de travail commune, « celle d’exercer un rôle productif et d’être exclu de la propriété ou de la gestion des instruments de production qu’ils desservent. Critère unique et, me semble-t-il, suffisant » (Mallet, 1963, p. 12). Baudelot, Establet et Malemort s’en tiennent également aux critères de « place dans les rapports de production » et de « rétrocession de la plus-value », bien qu’ils admettent que l’analyse marxiste traditionnelle ne permet pas de saisir cette « moyenne gélatineuse » pourtant digne d’attention (Baudelot, Establet, Malemort, 1974).  Les espaces de travail sont considérés comme les seuls appropriés pour cerner ces nouvelles couches sociales, et ce sans réelle discussion.

40.

Cette optique est particulièrement claire chez Mallet : « Hors du service industriel, l’ouvrier semble s’intégrer dans une vaste communauté urbaine où les différences de modes de vie apparaissent comme de simples différences quantitatives, insuffisantes à fonder une stratification sociale ; dans la production elle-même, les traits fondamentaux qui distinguent la classe ouvrière des autres couches de la population semblent par contre inchangés » (Mallet, 1963, p.9)

41.

De la même façon, Baudelot et al. (1974) reconnaissaient bien l’existence de petits bourgeois mais estimaient que leur diversité (trois fractions selon l’origine de leurs revenus) et surtout leur absence d’unité en termes politiques empêchaient de considérer qu’ils formaient une classe sociale. Cette question de l’identité politique constitue la pierre de touche de ces débats ; dès lors, il n’est pas étonnant que le groupe de recherche sur les « nouvelles couches moyennes salariées » se soit consolidé à la suite de l’article de Schweisguth de 1983 consacré à l’analyse des comportements électoraux de ces couches sociales.

42.

Débats relayés dans les pages de la Revue Française de Sociologie (particulièrement dans les n° 23 de 1982 et n° 24 de1983) et de Sociologie du Travail (entre autres, n° 4/81 et n° 2/85).

43.

D’un point de vue scientifique, ce déplacement de l'attention des chercheurs est clairement lié à l’effacement des sociologies fonctionnaliste et marxiste, en raison de la crise des grandes synthèses théoriques et de la division du travail par rapport à l'économie ; il découle également des transformations des conditions d’exercice de la profession (rapatriement des ethnologues, régionalisation des sciences sociales et de leurs budgets, demandes politico-sociales locales) (Chamboredon et al., 1984).

44.

Ces travaux ont donné lieu à des publications régulières dans les Archives de l’OCS d’abord, de 1979 à 1980 (volumes 1 à 4) puis dans les Cahiers de l’Observation du Changement Social de 1980 à 1982 (volumes I à VXI). Un ouvrage de synthèse a été édité par le CNRS (Collectif, 1986).

45.

Redéfinition évoquée par exemple par Odile Benoit-Guilbot, à propos de la « revitalisation » du village de Barre-des-Cévennes : « s’il [le village] fait ce revirement, c’est encore en référence à la ville […] et à l’idéologie néo-rurale des urbains qui, valorisant au village tout ce que les ruraux y détestaient, a fini par atteindre les ruraux eux-mêmes » (1983, p. 123).

46.

C’est aussi le cas, à l’OCS, de Pierre Vergès : selon lui, il est impossible de parler d’un processus national de recomposition de la classe moyenne, « alors qu’il est possible de montrer qu’elle se constitue en classe par regroupement de fractions ayant des places économiques fort différentes, sur des enjeux locaux ». En effet il lui semble que l’identification locale – identification d’enjeux précis, évaluation de l’importance numérique, visibilité du phénomène associatif – « est première et permet ensuite de parler au plan national de la classe moyenne comme recouvrant l’ensemble des regroupements particuliers de couches moyennes ayant une position dominante dans les localités ». Il va « jusqu’à dire que les éléments constitutifs d’une classe moyenne ne peuvent être définis sans la prise en compte de l’aspect localisé des processus sociaux » ; une telle constitution de la classe moyenne serait « une des voies où le local « produit » du global » (p. 232).