1.2.2 Les quartiers anciens populaires, espaces de prédilection des « nouvelles classes moyennes »

Les trois enquêtes citées plus haut – celle de Catherine Bidou à Aligre (Paris 12e), celle de Sabine Chalvon-Demersay à Daguerre (Paris 14e) et celle de Bernard Bensoussan à la Croix-Rousse (Lyon 1er et 4e) – donnent à voir plusieurs formes de mobilisation de quartiers anciens populaires par de nouveaux résidents appartenant aux nouvelles classes moyennes. Leurs analyses offrent à la fois un point de comparaison et des pistes d’analyse intéressantes pour l’étude des cas contemporains de gentrification ; nous les présentons donc ici de façon détaillée.

Ces trois enquêtes montrent que les quartiers anciens populaires offrent aux « gentrifieurs » un certain nombre de ressources matérielles, sociales et symboliques adaptées aux enjeux qui sont les leurs. Ils sont d’abord investis pour les ressources matérielles qu’ils offrent : à Daguerre, Sabine Chalvon-Demersay souligne que le quartier n’est pas tant choisi pour lui-même que pour l’accès qu’il permet à d’autres espaces de la ville (le quartier Latin) et pour ses logements vastes et peu chers. Le « goût » pour l’ancien, l’appréciation du « charme » des appartements « atypiques », des ateliers, mansardes, entresols, des petits logements biscornus non réhabilités, doit selon l’auteure s’interpréter avant tout comme le produit de la nécessité faite vertu47, même si le « choix » d’un logement ancien est en même temps l’occasion d’opérer une « inversion des normes classiques de confort et d’agrément des logements » (Chalvon-Demersay, 1984, p. 27). Le quartier des Pentes de la Croix-Rousse est également apprécié avant tout pour ses nombreux locaux, rendus vacants par la fermeture des ateliers artisanaux et des commerces et pour ses logements aux loyers modiques48. Les quartiers anciens permettent donc de pallier le manque de capital économique, tandis que la proximité du centre-ville permet l’entretien et la valorisation du capital culturel.

Ils offrent ensuite un support de projections à partir duquel les habitants peuvent exprimer et consolider un certain nombre de valeurs. Les trois enquêtes mettent en évidence le recours au mythe du quartier-village, construit sur le rejet de la grande ville pourvoyeuse d’emploi, qui catalyse les innovations techniques et sociales mais qui entraîne « la rupture des sociabilités « primaires », l’éclatement et la parcellisation des rôles sociaux » (Benoit-Guilbot, 1986, p. 127 ; Wirth, 1938). Le « quartier-village » devient a contrario un refuge à l’abri de la modernité, un espace de célébration des nostalgies et des solidarités face à la menace de la rénovation moderniste – telle que celle qui menace la Croix-Rousse, où une partie de la Montée de la Grande Côte, l’un des axes structurants du quartier, est démolie en 1975 (Bensoussan, 1982). Cette représentation du « quartier-village » s’appuie sur l’image des quartiers anciens populaires telle qu’elle se diffuse à la suite des descriptions de certains sociologues dans les années 1960 : quartiers ouvriers entourant les usines distributrices de travail de génération en génération (tels que Bethnal Green à Londres, décrit par Willmott et Young en 1962, ou le secteur de la rue Jeanne d’Arc à Paris décrit par Henri Coing en 1966) ou liés à une activité de production artisanale s’exerçant à domicile (comme la Croix-Rousse décrite par Pierre Mayol en 1980).Ils se caractériseraient par une superposition des liens familiaux, professionnels et amicaux servant de support à la vie sociale locale, par une forte occupation des espaces publics, liée à l’exiguïté et à l’inconfort des logements et par une solidarité face à la misère49. Ce recouvrement des divers rôles sociaux et ces liens de voisinage sont le produit d’une forte stabilité sociale et géographique. Ils sont valorisés par ceux-là mêmes qui se trouvent socialement et géographiquement déracinés, les nouveaux salariés du tertiaire supérieur.

Catherine Bidou souligne l’importante production symbolique et sémantique de ses enquêtés sur ce thème : ceux-ci valorisent l'ancienneté du bâti, le mélange social et ethnique, l'interconnaissance et la convivialité, la concentration des différentes activités dans l'espace local, l'« authenticité » des gens, des relations, des bâtiments… L’image du village qui rassemble tous ces éléments renvoie à la fois à un temps et un espace révolus – un espace autarcique qui n’aurait pas changé – et à une configuration sociale spécifique, marquée par la diversité, l’absence de conflit, l’interconnaissance et la communication permanente. A travers cette image, le groupe exprime sa conception de la société et des rapports sociaux, celle d’un monde divers, différencié mais pas ordonné ni classé :« le mythe souligne l’universalisme des différences comme pour mieux les nier » (Bidou, 1983, p.53). Le « mélange » est systématiquement valorisé, que ce soit à propos des catégories sociales, des origines ethniques ou des activités, et ce « mélange » vaut aussi bien dans l’espace que dans le temps (refus de la dichotomie entre temps de travail et de loisir, refus de l’opposition entre ancien et moderne…). Perçu à travers ce système de représentations, le spectacle du quartier-village permet de « rafraîchir les contours d’un système normatif assez difficile à faire fonctionner dans sa vie concrète » (Bidou, 1984, p.79). De fait, les enquêtés ne font qu’observer et mettre en scène ce « petit théâtre » auquel ils ne participent pas.

Dans les autres quartiers, les gentrifieurs parviennent davantage à mettre en œuvre ces valeurs. Le « triangle » de Daguerre, circonscrit géographiquement et balisé par des repères traditionnels (mairie, église, cimetière, marché, école), offre des services et des équipements suffisamment diversifiés pour pouvoir y mener une vie autarcique. Si, là aussi, les gentrifieurs fréquentent quotidiennement des espaces situés hors du quartier pour le travail ou les loisirs, ils passent néanmoins beaucoup de temps sur leur lieu de résidence du fait de la relative souplesse de leurs horaires, de la fréquence des emplois à temps partiels ou de la possibilité de travailler à domicile. Ils cherchent alors à s’insérer dans cette vie villageoise sans la perturber et développent entre eux des relations d’interconnaissance et de fréquentation quotidienne ; mais ils souhaitent en même temps exprimer des valeurs et des normes nouvelles et mettre en œuvre leur projet de « changer les gens » et les rapports sociaux quotidiens, ce qui les entraîne dans « un lacis d’aspirations contradictoires » (Chalvon-Demersay, 1984, p. 49). On rejoint là les contradictions perçues par Catherine Bidou à Aligre dans l’attitude « d’ouverture sociale, de recherche de communication qui prend le plus souvent la forme d’un certain prosélytisme » (Bidou, 1984, p. 54).

Sabine Chalvon-Demersay montre que le « mélange social » à Daguerre n’a pas qu’une valeur mythique ; il permet au groupe de se constituer dans l’expérience quotidienne de la différence. Les relations avec les « anciens habitants », évoquées en termes de conflits d’âge ou de générations, expriment en réalité une « opposition de classe, de culture, de valeurs » (Chalvon-Demersay, 1984, p. 67) entre deux fractions des classes moyennes. Celle-ci s’incarne dans de nombreux décalages : dans les commerces fréquentés, dans les rythmes de la vie quotidienne, dans les formes d’occupation de l’espace (escalier ou hall d’immeuble, trottoir, etc.) et la délimitation entre espaces privés et espaces publics, dans les choix de gestion des copropriétés, dans les normes de décoration et d’usage des pièces du logement (ouvertes ou non aux réceptions, où l’on est habillé ou non, etc.), dans les représentations des « risques » qui pèsent sur le quartier et dans l’interprétation même que les membres de ces deux groupes font de leurs échanges verbaux et matériels (qui en est à l’initiative, sont-ils bienvenus, etc.). « En fait, la plupart des sujets de tensions viennent du fait que les nouveaux venus se trouvent confrontés aux visées normalisatrices d’une petite bourgeoisie traditionnelle soucieuse de préserver son statut alors qu’ils ont eux-mêmes façonné un modèle culturel qui repose sur une inversion quasiment systématique des normes et des valeurs en cours au sein de cette petite bourgeoisie » (ibid., p. 95). Ce jeu d’oppositions repose sur un équilibre social fragile dans le quartier : il leur faut en même temps être assez nombreux pour mettre en pratique le mode de vie auquel ils aspirent et pas trop nombreux afin de ne pas détruire « la dimension fondamentale de ce qu’ils sont venus chercher : la confrontation quotidienne de l’altérité, le spectacle de la différence » (ibid., p. 154). D’où cette « attitude équivoque qui consiste à chercher à la fois à multiplier le même pour contrer l’autre et à lutter contre l’invasion des mêmes pour préserver l’autre » (ibid., p. 156).

Le quartier est également mobilisé pour l’expression d’un projet politique fondé sur « le désir d’organiser une résistance contre un pouvoir institutionnel diffus dans toutes les sphères de la vie publique et de la vie privée » (ibid., p. 46), projet qui doit s’inscrire au quotidien dans les rapports sociaux locaux50. Ce projet politique semble en grande partie propre à cette époque : il est lié d’une part au reflux des idéologies universalistes vers des réalisations plus limitées mais plus concrètes, d’autre part au fait que la scène locale était le seul lieu possible d’expression d’un contre-pouvoir. Il est aussi lié à des enjeux sociaux : « changer la vie », c’est aussi changer l’ordre social et donc s’opposer à la domination des valeurs bourgeoises et petites-bourgeoises. Ils rejettent l’utilitarisme, l’anonymat et les codes sociaux dans les relations interpersonnelles. Ils refusent la hiérarchie, la compétition et l’inégalité propres au monde du travail capitaliste et rejettent la division des tâches tant au travail que dans la famille. Ils s’opposent plus globalement à la parcellisation des rôles sociaux, y opposant la norme de l’homme « total », équilibré, dont l’épanouissement passe tant par le corps que par l’art ou la connaissance, dans une indifférenciation entre travail et loisir51. Ils substituent au « carriérisme social » l’épanouissement dans « un horizon existentiel référé au plaisir de l’instant, à une vie au jour le jour » (Bensoussan, Bonniel, 1979, p.119)52. Alvin Gouldner a bien exprimé, à propos de la new class américaine, un des aspects de ce projet politique : celui-ci serait lié à la « culture du discours critique » diffusée par l’université, qui « se présente comme langage objectif et généralisant, indépendant de la position et du statut social de la personne qui l’énonce » (Dagnaud, 1981, p. 387). Ce discours, « en raison de la distance qu’il pose entre lui et le langage ordinaire et la culture conformiste, […] met en forme un projet moralisant mais aussi progressiste sur la société appréhendée dans une perspective globalisante » ; cela conduit les « nouvelles classes moyennes » à une contradiction, visible à Daguerre comme à Croix-Rousse, entre aspiration missionnaire à représenter l’ensemble de la société et intérêts de classe (Dagnaud, 1981, p. 388).

La dimension politique est particulièrement présente à la Croix-Rousse, peut-être en raison des ressources que le quartier offre, plus encore que Daguerre et Aligre. L’espace y est particulièrement appropriable : le vieillissement y est spectaculaire (entre 1962 et 1968, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a augmenté de 16,6% tandis que le nombre de naissance diminuait de 5,6%) et le quartier se vide : il perd plus de 45 % de sa population entre 1962 et 1982 (Mayol, 1994) et compte à cette date environ 2000 logements vacants (le taux de vacance est estimé entre 12 et 16 % selon les secteurs, contre 4 à 12% dans les autres arrondissements de Lyon ; Ministère de l’Urbanisme, 1982, p. 37)53. En même temps, le quartier, ancien centre névralgique de la Fabrique lyonnaise de soierie, offre des supports imaginaires mieux constitués que dans les deux autres quartiers, des « mythes » qui sont réactivés (nous reviendrons au prochain chapitre sur leur élaboration) : celui des ouvriers de la soie, les canuts, de leurs révoltes, des coopératives et des mutuelles ; celui de l’esprit à la fois frondeur et bonhomme des Croix-Roussiens ; enfin celui d’une vie locale fondée sur l’interconnaissance. Les nouveaux habitants y sont plus jeunes, moins diplômés et moins insérés professionnellement qu’à Aligre et Daguerre : étudiants, « intellectuels déclassés sortis des institutions scolaires » (Benoussan, Bonniel et al., 1979), jeunes couples ayant rompu avec leurs familles, artistes, « marginaux »… Ils viennent, selon les auteurs, vivre là « un mode de vie “alternatif” et “intégral”, fait de petits boulots et de précarité, de vie communautaire, de contestation politique et culturelle » (Benoit-Guilbot, 1986, p. 134). Mobilisant tant les locaux vacants que les mythes qui confèrent une légitimité à leur démarche, ils mettent en place des organisations sociales alternatives : formes d’habitat communautaires (squats, colocation, habitat groupé autogéré), restaurants, crèches et cinémas autogérés, coopératives de consommation, d’édition, associations d’expression artistique… Près de quatre-vingts initiatives, couvrant aussi bien l’expression politique « traditionnelle » que l’animation « culturelle » ou les besoins pratiques, ont été recensées (Pucciarelli, 1996). Le quartier ainsi investi permet à un certain nombre d’individus une socialisation alternative à celle qu’offrait le travail salarié : des ressources matérielles, un réseau de sociabilités, un statut social local.

Nées pour la plupart dans les années 1970, une majorité de ces activités associatives s’éteint dans la première moitié des années 1980 (un certain nombre perdurent néanmoins jusqu’au début des années 1990 et quelques-unes au-delà, notamment parmi les plus spécialisées). Mais si ces formes de mobilisation collective périclitent, Bernard Bensoussan et Jacques Bonniel montrent que les réseaux qui les sous-tendent sont durables (Bensoussan, Bonniel, 1979). Ils montrent aussi que les relations établies avec les pouvoirs institutionnels sont moins claires qu’il n’y paraît et que les « luttes urbaines » ont été l’occasion pour quelques-uns de parvenir à des positions de pouvoir local voire, à plus long terme, à des mandats politiques ou à des emplois dans l’administration locale. En effet, alors que la mobilisation contre la démolition de la Grande Côte avait constitué un moment important de rassemblement et d’organisation des nouveaux habitants en associations, la conversion de la mairie à l’idée de la réhabilitation et de la concertation entraîne une redéfinition des groupements qui se posaient jusque-là en opposition claire à la logique de démolition. Certaines seront « concertantes », d’autres « contestantes », mais pour les auteurs de l’OCS, toutes opèrent un « recouvrement » de la population traditionnelle, c'est-à-dire un « envahissement », une « domestication » (ibid., p. 117) : les enjeux d’aménagement leur permettent de s’autoproclamer homologues et porte-parole des habitants traditionnels dans le refus de la destruction du quartier et d’étendre ainsi leur emprise sur l’organisation de la vie sociale locale.

Les auteurs montrent enfin le caractère temporaire de ces rapports aux lieux et soulignent les paradoxes – ou plutôt le fragile équilibre – de la position des premiers gentrifieurs. L’image du quartier, qu’ils ont profondément renouvelée, attire dès le début des années 1980 de nouveaux habitants dotés de ressources différentes. Si les chercheurs se font le relais des inquiétudes de leurs enquêtés, ils n’ont pu observer sur une plus longue durée ce qu’il en advenait. Leur mise en danger paraît évidente ; elle mérite pourtant d’être questionnée. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point dans notre propre enquête.

En définitive, les investissements des nouvelles classes moyennes dans ces trois quartiers se comprennent, on le voit, à la lumière de leurs positions et de leurs trajectoires individuelles et collective. A titre collectif, le quartier permet l’élaboration d’un modèle culturel autonome, offre une visibilité et permet de se constituer en contre-pouvoir. A titre individuel, il permet de se loger près du centre (et de compenser ainsi la disparité entre capitaux culturels et capitaux économiques), d’éprouver un sentiment d’appartenance qui vient combler le « flou identitaire » et enfin, pour certains, d’obtenir des gratifications dont ils sont privés dans le domaine professionnel (notabilité, pouvoir local). C’est pourquoi les auteurs relient tous d’une façon ou d’une autre l’investissement des nouvelles classes moyennes dans l’espace local à « des processus compensatoires d’identification sociale et professionnelle » (Bidou-Zachariasen, Poltorak, 2008) : « le retour à la scène résidentielle, à la proximité spatiale, serait une tentative pour maintenir ou reconstruire une identité sociale chamboulée aussi bien dans le travail que dans la ville », écrit ainsi Odile Benoit-Guilbot (1986, p. 128). Si nous ne souscrivons pas à la perspective stratégique qui affleure ici et qui est développée plus loin par l’auteure, cette hypothèse selon laquelle l’investissement dans l’espace local pourrait compenser une socialisation défaillante ou insatisfaisante ailleurs – et notamment dans le travail – nous semble intéressante pour étudier les cas contemporains de gentrification. Il faudra, nous semble-t-il, la prolonger par un questionnement sur la convertibilité des ressources offertes par l’investissement dans l’espace résidentiel. La force de cette couche sociale ne vient-elle pas de sa capacité à faire reconnaître la valeur de ses productions hors de son propre espace social ? La question de la constitution d’un modèle culturel à travers l’inscription dans l’espace apparaît également d’actualité, au regard de l’existence d’un discours sur les « bobos » dans lequel sont systématiquement reliés un type d’individus, un ensemble de pratiques manifestant certains goûts et certaines valeurs et enfin certains territoires spécifiques. Elle renvoie à des mécanismes d’appropriation et de « marquage » du territoire déjà explorés à propos de groupes sociaux confrontés à des enjeux proches de ceux des nouvelles classes moyennes – on pense par exemple à la bourgeoisie dans le roman proustien (Bidou-Zachariasen, 1998) ou aux artistes d’avant-garde (Bordreuil, 1994). En revanche, le projet politique qui animait une partie de ces gentrifieurs semble largement absent des formes de gentrification actuelles, sans que la « culture du discours critique » et les contradictions auxquelles elle mène (Gouldner, 1979) n’aient totalement disparu. Nous essaierons de saisir les évolutions des discours et des pratiques politiques à l’échelle du quartier.

Les premières formes de gentrification étaient liées, on le voit, à la situation particulière des « nouvelles classes moyennes ». Quelles recompositions ont affecté, depuis les années 1980, cette vaste région intermédiaire de l’espace social ?

Notes
47.

« En valorisant à l’extrême ce qui est commercialement déprécié, on peut, tout en se réclamant de gratifications esthétiques, se contenter des rebuts du marché immobilier » (Chalvon-Demersay, 1984, p. 27).

48.

« En 1975, on louait encore des appartements de trois-quatre pièces pour moins de 500 F par trimestre » note Pierre Mayol (1994).

49.

La lecture approfondie de ces travaux montre que cette image est en partie déformée, comme l’a montré Christian Topalov (Topalov, 2003).

50.

« Transformer les rapports sociaux à l’échelon local, organiser des luttes, gérer des biens, créer des coopératives, susciter une animation locale, ressusciter les fêtes disparues, rénover les rapports commerciaux, défendre les droits des locataires, des consommateurs, des opprimés. Promouvoir des liens d’entraide, impulser des réseaux de solidarité. Parler, échanger, communiquer. » (Chalvon-Demersay, 1984, p.45-46)

51.

En déclarant inopérante la distinction entre travail et loisir, ils affirment typiquement leur distance à l’égard des classes populaires, qui ne peuvent s’épanouir qu’en dehors d’un travail aliénant.

52.

« On pourrait résumer cette tentative en disant qu’ils sont à la recherche d’un mode de vie intégral. Il ne s’agit en effet rien moins que de revenir sur les délimitations sociales, les segmentations, que ce soit dans l’ordre de la production et de la consommation ou dans celui des usages du temps et de l’espace. Ces populations prétendent ainsi rompre avec un « système » qui opposerait producteur (ou créateur) et consommateur, pour lui substituer un « système » de bricolage généralisé d’objets sans spécialité présumée des participants. Ils sont ainsi conduits à une réactivation du compagnonnage, de l’apprentissage, quasiment référée à une autoformation à l’intérieur de microgroupes de production économique. […] On pourrait trouver une homologie dans l’indifférenciation qui affecte l’usage du temps et de l’espace. Ce qui se cherche, c’est un usage plus fluide du temps, qui n’oppose pas des temps forts et des temps faibles, de même que devrait s’atténuer, voire disparaître, la distinction temps de travail / temps hors travail. Par ailleurs, ils tentent d’organiser […] l’espace de quartier et celui de l’habiter comme un espace déspécialisé, défonctionnalisé, dans la recherche d’un usage multiple et décentré des espaces. » (Bensoussan, Bonniel, 1979, p.133-134).

53.

De fait, la SERL (Société d’Equipement du Rhône et de Lyon) estime que la moitié de ces locaux ne sont pas réellement vacants (Bensoussan et Bonniel, 1979a, p.106).