2. Les nouveaux gentrifieurs : quelles classes moyennes ?

En 1981, Monique Dagnaud s’interrogeait sur l’avenir de la « nouvelle classe moyenne » et formulait deux hypothèses : la première, qu’elle privilégiait, considérait que ce groupe social était bien en train de se constituer autour d’un modèle culturel propre et pérenne ; la seconde était celle d’une « illusion d’optique », d’une impression d’homogénéité sociale qui ne serait que conjoncturelle. Cette seconde hypothèse était nourrie, déjà en 1981, par le constat d’un rétrécissement des opportunités pour les jeunes diplômés en raison de la crise économique. L’auteure percevait alors la possibilité que cette « classe d’alternative » n’ait été qu’une génération d’alternative54. La deuxième hypothèse paraît aujourd'hui validée, moins parce que cette strate intermédiaire a disparu que parce qu’elle s’est élargie tout en se diversifiant ; elle a aussi été touchée, dans une certaine mesure, par le « déclassement générationnel » qu’entrevoyait Monique Dagnaud. Quelles conditions sociales rencontrent les nouvelles générations de gentrifieurs ?

Notes
54.

Par exemple dans l’extrait suivant : « Les secteurs professionnels auxquels nous avons fait illusion dans cet article sont à leur tour touchés par la crise, et sont loin d’ouvrir les mêmes opportunités pour les générations universitaires plus récentes. Celles-ci, soit n’y auraient pas accès, et devraient alors rejoindre le bataillon des travailleurs déqualifiés, soit y entreraient « par la petite porte », en connaissant des statuts et revenus professionnels beaucoup moins gratifiants, et seule une fraction, celle qui, loin d’être contestataire, aura intégré toutes les valeurs du carriérisme, pourrait rejoindre les aînés bien installés de la génération 68. Dans ce mouvement, le départage entre un ensemble de « professionnels » et techniciens en situation de travail précaire, et une sous-élite de plus en plus proche de l’élite dirigeante pourrait alors survenir » (Dagnaud, 1981, p. 404-405).